La grippe de 1918 a été décrite comme la plus importante de toutes les pandémies. La pandémie de COVID remet certainement en question cette caractérisation de longue date.
On estime qu’au moins un tiers de la population mondiale (soit environ 500 millions de personnes) a été cliniquement infecté lors de la grippe espagnole, il y a plus de cent ans.
Le taux de létalité de la pandémie de grippe de 1918 a été estimé à plus de 2,5 pour cent alors que la létalité d’une grippe classique est inférieure à 0,1 pour cent. Dans le monde entier, le nombre total de décès a été estimé à 50 millions, voire à 100 millions de personnes.
Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, la Première Guerre mondiale elle-même a causé beaucoup moins de pertes humaines, avec 20 millions de décès. 9,7 millions de militaires sont morts et environ 10 millions de civils. Les deux camps ont connu un nombre essentiellement égal de pertes au combat.
De nombreux camarades ont suivi les graphiques épidémiologiques de la pandémie actuelle et les connaissent bien maintenant. Les graphiques associés qui décrivent les taux de mortalité dans le temps montrent comment les différentes mesures de distanciation sociale et d’atténuation employées dans diverses villes des États-Unis ont conduit à des résultats de mortalité différents. Ils prouvent que des mesures de distanciation sociale et d’atténuation rapides et durables ont sauvé des vies.
À Philadelphie, alors que la vague mortelle de la grippe commençait à peine à déferler, les autorités municipales ont organisé la Philadelphia Liberty Loans Parade, à laquelle plus de 200.000 personnes ont assisté. La ville a supervisé la collecte de 259 millions de dollars pour les efforts de guerre. C’était le 19 septembre 1918. Vingt-quatre heures plus tard, 118 Philadelphiens ont contracté la mystérieuse grippe mortelle. Le troisième jour après la parade, tous les lits des 31 hôpitaux de Philadelphie étaient occupés. Une semaine plus tard, 4.500 personnes étaient mortes et 47.000 avaient été infectées. L’épidémie était si grave que le 3 octobre, la ville était pratiquement fermée.
Les États-Unis ont connu 675.000 décès supplémentaires pendant la pandémie de grippe de 1918. En utilisant la taille de la population d’aujourd’hui, cela se traduirait par environ 2,16 millions de décès. Pour replacer la pandémie de COVID dans son contexte, bien que le nombre de décès déclarés s’élève aujourd’hui à 625.000, des estimations récentes ont montré qu’il y a eu environ 185.000 décès supplémentaires non reconnus liés au COVID, ce qui rapproche ce chiffre de 800.000. En outre, la modélisation de l’IHME (Institute for Health Metrics and Evaluation) a établi le chiffre des décès excédentaires à près de 900.000 au printemps dernier.
Nous parlons donc d’une pandémie dont l’impact est semblable aux décès causés par la grippe espagnole aux États-Unis, malgré toutes les innovations et les capacités technologiques que nous possédons aujourd’hui. Nous avons des unités de soins intensifs. Nous pouvons ventiler et fournir de l’oxygène à des concentrations élevées. Nous disposons de médicaments pour atténuer la réponse immunitaire. Nous avons même été capables de développer des vaccins très efficaces à une vitesse sans précédent. Ce que nous avons été incapables de faire, c’est d’accorder la priorité appropriée au bien-être de la population.
Les descendants de la grippe espagnole
Pourtant, l’impact de la grippe espagnole ne s’est pas limité à la période 1918-1919.
Depuis lors, toutes les pandémies de grippe A, et même presque tous les cas de grippe dans le monde, ont été causées par des descendants du virus de 1918. Par exemple, la pandémie H2N2 de 1957-1958, originaire du sud de la Chine, a tué entre un et quatre millions de personnes dans le monde. C’était un descendant du virus de la grippe de 1918, tout comme la pandémie de grippe de 1968-1969 causée par le H3N2, qui a également tué entre un et quatre millions de personnes dans le monde.
Il a fallu attendre 80 ans pour qu’une équipe scientifique dirigée par le Dr Jeffery K. Taubenberger parvienne à séquencer complètement le génome d’un virus et à séquencer partiellement quatre autres.
Et en 2011, les docteurs Watanabe et Kawaoka, grâce aux progrès de la génétique inverse, ont pu recréer le virus de 1918 entièrement à partir d’ADN complémentaire. Avec un virus artificiellement ressuscité et intact, portant les huit segments d’ARN, l’analyse moléculaire de la virulence inhabituelle de la pandémie de 1918 était désormais possible.
Ces études ont montré que le virus de 1918 recréé lors de la deuxième vague pouvait se répliquer efficacement dans les poumons de furets et de primates non humains infectés, ce qui avait induit le type de pneumonie mortelle rencontré lors de la pandémie de 1918-1919.
Bien que la première vague ait provoqué une infection étendue, elle n’a pas été hautement létale par rapport aux deuxième et troisième vagues. On ne sait pas si le virus de la première vague était le même que celui de la deuxième vague ou s’il a subi un changement génétique ou s’il s’est réassorti avec un autre virus de la grippe qui l’a rendu si mortel. Certaines données suggèrent que les personnes qui ont contracté la grippe lors de la première vague se trouvaient protégées contre la deuxième vague.
Diverses théories existent quant à l’origine de ce nouveau virus de la grippe A, mais beaucoup ont noté l’émergence de la maladie en mars 1918 au Kansas. Celle-ci s’est rapidement propagée sur la côte est des États-Unis dans les camps de recrues et les villes, puis en Europe et dans le monde entier par la suite.
Ce qui était inhabituel dans ces décès, c’est qu’ils ont fauché de jeunes adultes dans la force de l’âge. La courbe de mortalité en forme de W est une découverte unique qui suggère que la population plus âgée a pu bénéficier d’une protection immunitaire partielle contre une éventuelle exposition à un virus alors en circulation en 1889.
Ce qui donne peut-être le plus à réfléchir, c’est ce que le Dr David Morens, du bureau du directeur du NIAID, a écrit sur la pandémie de grippe en avril 2019.
«Aussi meurtrière que la pandémie de 1918 ait été, les données sur la mortalité aux États-Unis, ajustées en fonction de la croissance démographique, suggèrent qu’au cours du siècle dernier, environ trois fois plus de décès ont été causés par les descendants du virus de la pandémie de 1918 que par le virus pandémique lui-même.» Ces observations ont une pertinence considérable pour les générations qui seront contraintes de vivre avec le virus du SRAS-CoV-2.
La réponse de Woodrow Wilson à la pandémie de grippe
Tandis que la pandémie de grippe de 1918 tuait des centaines de milliers d’Américains, il est intéressant d’examiner la réponse du président Woodrow Wilson et de la Maison-Blanche à cette pandémie, qui présente peut-être des parallèles intéressants avec la pandémie de COVID.
Concentrant toute son attention sur l’effort de guerre, Wilson n’a jamais fait la moindre déclaration publique sur l’épidémie de grippe de 1918-1919. L’historien John M. Barry, auteur de «The Great Influenza: The Story of the Deadliest Pandemic in History», a noté: «En termes de gestion de la réponse fédérale à la pandémie, aucune sorte de leadership ou d’orientation n’ont été manifestés par la Maison-Blanche. Wilson voulait que l’accent soit mis sur l’effort de guerre. Tout ce qui était négatif était considéré comme une atteinte au moral et à l’effort de guerre».
Tevi Troy, auteur de «Shall We Wake the President: Two Centuries of Disaster Management from the Oval Office», a classé Wilson comme le pire président. «La réponse fédérale à l’épidémie de grippe de 1918 peut être qualifiée au mieux de négligente. Des centaines de milliers d’Américains sont morts sans que le président Wilson ne dise rien. Il n’a pas non plus mobilisé les composantes non militaires du gouvernement américain pour aider la population civile». Il reproche également à Wilson d’avoir contribué à la propagation massive de la maladie en poursuivant la mobilisation des troupes «alors même que la Première Guerre mondiale touchait à sa fin».
Barry note que Wilson était tout à fait conscient de la gravité de la maladie. Il entendait et lisait des reportages sur la façon dont la maladie frappait de jeunes soldats en bonne santé dans les casernes ou sur les transports de troupes qui traversaient l’océan Atlantique. Bien que les États-Unis aient perdu près de 54.000 soldats au combat pendant la guerre, 45.000 autres (un nombre équivalent à celui des décès au combat) avaient péri de la grippe et des pneumonies associées fin 1918.
En fait, le personnel de la Maison-Blanche était frappé de plus fouet par la maladie. Un agent des services secrets, l’huissier de la Maison-Blanche et un sténographe tombèrent malades avant le départ de Wilson pour la France. Lorsqu’il était à Paris pour négocier le traité de Versailles après l’armistice de la Première Guerre mondiale, un jeune assistant américain de la délégation de la paix, Donald Frary, est tombé malade et est mort. Il n’avait que 25 ans.
Wilson est également tombé malade à Versailles pendant les délégations de paix, développant une fièvre de 39,4 degrés Celsius. Le New Yorker écrit: «Wilson, séquestré pendant sa convalescence dans l’Hôtel du Prince Murat, un élégant hôtel particulier du huitième arrondissement, semblait avoir été changé par son accès de grippe. Il est devenu obsédé par de “drôles de choses”, comme le dit un assistant. Il faisait une fixation sur les meubles de la maison et en est venu à croire qu’il était entouré d’espions français. “Nous ne pouvions que supposer que quelque chose de bizarre se passait dans son esprit”, a déclaré Irwin Hoover, l’huissier en chef du Président. “Une chose est certaine: il n’a plus jamais été le même après cette petite période de maladie”».
Fournissant l’analyse politique nécessaire à la compréhension de la réponse à la pandémie, le CIQI a écrit alors à l’occasion du centenaire de l’Armistice:
La guerre a été menée pour les marchés, les profits, les ressources et les sphères d’influence. Mais ce conflit lui-même ne résulta pas simplement de la perspective politique des différents hommes politiques impérialistes. Cela avait des racines plus profondes dans le développement même de l’économie capitaliste. Comme l’a expliqué Léon Trotsky, dans des termes qui résonnent encore plus puissamment dans l’ère de la production mondialisée d’aujourd’hui, les fondements de la guerre se trouvaient dans la contradiction objective entre le développement de l’économie mondiale et la division du monde en États-nations capitalistes rivaux et entre grandes puissances impérialistes.
Chacune des puissances impérialistes cherchait à résoudre cette contradiction par une lutte sanglante pour décider laquelle d’entre elles deviendrait la puissance mondiale hégémonique. Ce conflit devait finalement aboutir – après trois décennies de barbarie, impliquant la dévastation économique, le fascisme, l’Holocauste des juifs européens et le massacre de masse de la Seconde Guerre mondiale – à la domination de l’impérialisme américain.
Mais les contradictions du capitalisme mondial n’ont pas été surmontées. Elles n’ont été que temporairement intégrées à la domination des États-Unis. La maladie qui s’était emparée du système capitaliste mondial n’était pas guérie, elle n’entrait que dans une période de rémission. Cette période est maintenant terminée.
La pandémie de grippe ne pouvait pas interférer avec ce redécoupage du monde et, pour ainsi dire, la pandémie de grippe avait été un sous-produit de ces contradictions et de ces luttes sanglantes. Et la réémergence d’un autre fléau mortel, le COVID-19, n’était pas seulement sans surprise, mais elle avait aussi été prévue depuis longtemps.
Avertissements concernant une nouvelle pandémie
Dans un rapport publié il y a plus de dix ans, intitulé «Global trends in emerging infectious diseases» (Tendances mondiales des maladies infectieuses émergentes), les auteurs notent que ces événements ont augmenté de manière significative au fil du temps, causant des répercussions sur la santé et les économies mondiales. Une grande majorité d’entre elles sont issues de maladies qui se transmettent des animaux aux humains. Ils ont également constaté qu’un «risque substantiel existe de zoonoses et de maladies vectorielles émergentes à des latitudes plus basses où peu de rapports existent». Les agents pathogènes bactériens (résistants aux antibiotiques) sont également préoccupants.
Peter Daszak, l’écologiste des maladies, a noté: «Les pandémies sont en augmentation, et nous devons contenir le processus qui les anime, et pas seulement les maladies individuelles: les fléaux ne font pas seulement partie de notre culture – ils sont causés par elle… Les pandémies commencent généralement par des virus présents chez les animaux, qui se propagent aux humains lorsque nous entrons en contact avec eux. Ces débordements augmentent de façon exponentielle, car notre empreinte écologique nous rapproche des animaux sauvages dans les régions éloignées et le commerce des animaux sauvages amène ces animaux dans les centres urbains. La construction de routes, la déforestation, le défrichage et le développement agricole sans précédent, ainsi que la mondialisation des voyages et des échanges, nous rendent suprêmement vulnérables à des agents pathogènes comme les coronavirus».
Début février 2018, l’Organisation mondiale de la santé a tenu une consultation informelle à Genève, en Suisse, pour revoir la liste des maladies prioritaires en mettant l’accent sur les maladies infectieuses émergentes (MIE) graves, susceptibles de générer une urgence de santé publique, et pour lesquelles les solutions préventives et curatives n’existent pas ou sont insuffisantes. L’examen a permis de déterminer que, compte tenu de leur potentiel à provoquer une urgence de santé publique et de l’absence de médicaments ou de vaccins efficaces, un besoin urgent existe d’accélérer la recherche et le développement pour des maladies telles que l’Ebola, la fièvre de Lassa, le Zika, le MERS et le SRAS, ainsi que la maladie X, terme qui désigne un agent pathogène encore inconnu et sans nom.
L’OMS a déclaré: «La maladie X représente la connaissance qu’une épidémie internationale grave pourrait être causée par un agent pathogène actuellement inconnu comme cause de maladie humaine».
John-Arne Rottingen, conseiller spécial de l’OMS, a déclaré: «L’histoire nous dit que c’est probable que la prochaine grande épidémie sera quelque chose que nous n’avons pas vu auparavant. Cela peut sembler étrange d’ajouter un “X”, mais l’idée est de s’assurer que nous nous préparons et planifions avec souplesse en termes de vaccins et de tests de diagnostic. Nous voulons voir se développer des plateformes “plug-and-play” qui fonctionneront pour n’importe quelle maladie ou pour un grand nombre d’entre elles, des systèmes qui nous permettront de créer des contre-mesures rapidement».
Cependant, malgré ces avertissements, peu de fonds et d’efforts sont consacrés au développement complet de ces infrastructures cruciales et à leur coordination au niveau international.
L’épidémie à Wuhan en Chine
Le premier indice au monde de l’apparition d’un nouveau coronavirus à Wuhan a été reçu le 30 décembre par le biais d’un mémo international envoyé par l’administration sanitaire de Wuhan pour signaler une pneumonie virale inhabituelle.
La Dre Marjorie Pollack, diplômée des services d’intelligence épidémique des CDC, bénévole à ProMED, un programme géré par la Société internationale des maladies infectieuses, et résidant à Brooklyn, consultait ses courriels après le dîner ce jour-là lorsqu’elle a reçu une alerte d’un collègue concernant des groupes de patients gravement malades en Chine. Quatre heures plus tard, un système d’IA géré par l’hôpital pour enfants de Boston a envoyé une brève alerte concernant des cas non identifiés de pneumonie à Wuhan.
Lors d’une interview accordée le 5 mars 2020, elle a expliqué: «J’ai reçu une alerte d’un collègue qui suit Weibo de près, la plateforme chinoise de médias sociaux. L’alerte m’a donné quelques tweets sur des choses qui se passaient à Wuhan – un groupe de quatre cas, puis 27 cas – ainsi qu’une photo, théoriquement d’un document envoyé par la commission de santé publique de Wuhan indiquant quelque chose sur des cas de pneumonie qui semblaient être associés à un marché de fruits de mer et d’animaux sauvages. Ayant vécu et travaillé pendant l’épidémie de SRAS, cela m’a rappelé quelque chose. C’était une impression de déjà-vu».
ProMED-mail a été fondé en 1994. Conçu à l’origine comme un réseau direct entre scientifiques, ProMED s’est rapidement transformé en un prototype de forum de notification et de discussion sur les épidémies, notamment après l’épidémie d’Ebola de 1995. Il a également joué un rôle crucial dans l’identification de l’épidémie de SRAS au début de 2003.
En réponse à une question concernant la réaction de la Chine, la Dre Pollack a ajouté au cours de la même interview: «Je pense que cette fois-ci, la Chine a été totalement transparente. Le SRAS a été une leçon sur la nécessité de la transparence. La Chine m’a impressionné beaucoup. La Chine a publié des données dès qu’ils en avaient. Je pense qu’à Wuhan, ce qui s’est passé, c’est qu’ils étaient tout simplement dépassés. Et ils ont été très honnêtes. Ils ont admis qu’ils n’avaient pas la capacité de pointe nécessaire pour gérer le volume, ce qui explique pourquoi ils ont fini par construire deux hôpitaux en moins d’une semaine».
Le calendrier parle de lui-même: alors que les cas commençaient à s’accumuler, les médecins des hôpitaux de la ville de Wuhan ont commencé à noter une maladie inhabituelle qui ressemblait à une pneumonie dont souffraient les patients. Au début, ils ont craint qu’il s’agissait de l’émergence du virus du SRAS. La semaine suivante (la première semaine de janvier), quatre laboratoires indépendants en Chine avaient séquencé le nouveau coronavirus.
Les communications internes de l’époque montrent également que la Commission nationale de la santé avait été informée que le nouveau virus était potentiellement contagieux par voie respiratoire et elle a recommandé de prendre des mesures préventives dans les lieux publics. Les CDC américains ont même émis un avis de surveillance des voyages pour la ville de Wuhan. Nous savons maintenant que toutes les grandes institutions américaines – FDA, CDC, Maison-Blanche, Congrès – étaient au courant de ces développements.
Le 11 janvier, le Dr Zhang Yongzhen, du Centre clinique de santé publique de Shanghai, frustré par les retards des autorités, a publié la séquence sur virological.org, donnant enfin au monde le premier aperçu du schéma génétique du SRAS-CoV-2. Des chercheurs thaïlandais, qui avaient isolé et partiellement séquencé le virus d’un voyageur chinois malade découvert à l’aéroport le 9 janvier, ont publié le 13 janvier des conclusions selon lesquelles le virus était identique à la séquence du Dr Zhang.
L’essentiel de la critique du retard de la Chine réside dans le fait que plus de deux semaines s’étaient écoulées depuis que la séquence partielle avait été décodée et plus d’une semaine depuis que trois autres laboratoires disposaient des séquences complètes avant que les séquences ne soient finalement publiées sur GISAID, la plateforme qui permet aux scientifiques de partager des séquences génomiques. Pourtant, la question de la transmission interhumaine n’avait pas encore été résolue.
À la mi-janvier, Pékin a rapidement tenté de limiter les dégâts, lançant un plan d’urgence de santé publique à l’échelle nationale.
Peter Daszak, président d’Eco Health Alliances, un scientifique qui a passé sa carrière à traquer les virus dangereux, explique: «La pression est intense lors d’une épidémie pour s’assurer que l’on a raison. C’est en fait pire de publier une histoire fausse, car le public perd complètement confiance dans la réponse de la santé publique».
Ce n’est qu’après qu’un spécialiste réputé des maladies infectieuses et un pneumologue, le Dr Zhong Nanshan, a déclaré le 20 janvier que le nouveau virus se transmettait entre les personnes, que le président chinois Xi Jinping a appelé à «publier en temps utile les informations sur l’épidémie et à approfondir la coopération internationale».
La réponse de l’OMS
Le 22 janvier, l’OMS a réuni un comité indépendant pour déterminer s’il était nécessaire de déclarer une urgence sanitaire mondiale. Une semaine plus tard, le 30 janvier, une urgence de santé publique de portée internationale (PHEIC) a été déclarée alors qu’un peu plus de 10.000 cas de COVID-19 existaient, dont 80 avaient été détectés en dehors de la Chine continentale.
Cela veut dire que durant les quatre semaines qui ont précédé la PHEIC, l’ampleur de la crise mondiale a été objectivement admise et l’appel à l’action a été lancé. Les cinq à six semaines qui ont suivi ont permis de reconnaître que les élites dirigeantes n’avaient pas la volonté politique d’enrayer le rythme rapide de la transmission mondiale. En bref, la déclaration de la pandémie a été une déclaration de défaite de la part de l’OMS, une déclaration selon laquelle peu de choses allaient être faites pour entraver le cours de la pandémie.
Dans une critique virulente de la réponse mondiale, le comité consultatif et de surveillance indépendant de l’OMS a écrit le 21 mai 2020: «un manque palpable de solidarité mondiale et d’objectif commun s’est manifesté. C’est une recette pour prolonger et aggraver l’épidémie mondiale, laissant tous les pays moins en sécurité. Une réponse efficace à une pandémie repose sur des systèmes et des réseaux mondiaux interconnectés: expertise scientifique, approvisionnement médical, commerce, innovation et production. La politisation croissante de la réponse à la pandémie est un obstacle matériel à la défaite du virus, et elle aggrave d’autres impacts sanitaires, sociaux et économiques.»
Pendant ce temps, le CIQI avait suivi de près ces événements très tôt dans le cours de la crise, analysant les développements presque d’instant en instant, identifiant les dangers posés par l’inaction et l’irresponsabilité mondiales.
Le 28 février 2020, le CIQI a publié la déclaration «Pour une réponse d’urgence coordonnée à l’échelle mondiale à la pandémie de coronavirus», alors que le nombre d’infections au COVID approchait les 100.000 et à ce moment-là seulement 3.000 décès avaient eu lieu, dont la majorité en Chine continentale, le CIQI affirmait sans ambages que le danger ne pouvait être surestimé.
Les conséquences de l’immunité collective
Depuis l’apparition de la pandémie, les élites dirigeantes du monde entier ont utilisé tous les moyens à leur disposition pour s’enrichir tout en forçant les populations à s’adapter au virus par des politiques que l’on peut qualifier de négligence maligne et de meurtre social. Les tentatives qui visaient à insister sur le fait que «le remède ne doit pas être pire que la maladie», ou à mettre en œuvre un modèle suédois qui prônait une stratégie d’«immunité collective» censée protéger les personnes âgées tout laissant les plus jeunes être infectés, officiellement adoptées sous le nom de «Déclaration de Great Barrington», se sont révélées être une politique non seulement désastreuse, mais également mortelle.
Le nombre d’infections au COVID déclarées dans le monde a maintenant dépassé les 200 millions. Mais il s’agit d’un sous-dénombrement massif, car de nombreux pays ne disposent pas des capacités de dépistage nécessaires pour suivre les infections. Il s’agit du même nombre de personnes qui ont été plongées dans une pauvreté extrême en raison de la réponse à la pandémie. Et pourtant, une grande majorité de la population mondiale demeure vulnérable, de manière immunologique, et n’a pas encore reçu la moindre dose de vaccin.
Le nombre de décès dus au COVID dans le monde, qui s’élève à 4,2 millions, est également largement sous-estimé. Mais comme pour de nombreux événements dévastateurs, les chiffres initiaux sont bien inférieurs à la réalité. Ce n’est qu’une fois que la poussière est retombée, que les corps auront été retirés des décombres et qu’un compte rendu correct aura été établi, que nous commencerons à connaître l’ampleur des décès que les élites dirigeantes n’ont pas réussi à comptabiliser correctement au cours de cette pandémie qui, comme nous l’avons souligné, était prévisible et aurait pu être arrêtée.
Dans un reportage récent de l’Economist, publié le 15 mai 2021, alors que le nombre de morts s’élevait à 3,2 millions, on a estimé que dans le monde entier, il y avait eu entre 7 et 13 millions de décès supplémentaires pendant la pandémie, avec une estimation centrale de 10,2 millions, soit plus de trois fois les chiffres rapportés. Les décès dus au COVID représentent désormais la troisième cause de décès pendant la pandémie dans le monde.
Les décès excédentaires comprennent ceux qui sont morts du COVID mais qui n’ont pas été comptabilisés comme tels et ceux qui ont péri non pas nécessairement en raison de complications liées au COVID, mais en raison de la crise sociale qui a pu conduire à l’impossibilité d’accéder aux soins de santé et à d’autres facteurs qui auraient pu être évités si l’on avait pu maîtriser la pandémie rapidement et si une stratégie d’éradication avait été adoptée au niveau mondial.
Par exemple, en Afrique du Sud, on a eu 55.000 décès dus au COVID depuis le début de la pandémie. En même temps, le pays a enregistré 158.499 décès excédentaires, dont les responsables de la santé publique étaient convaincus que 85 à 95 pour cent étaient dus au SRAS-CoV-2. Autrement dit, dans les pays plus pauvres, où des retards dans l’enregistrement officiel des décès et de leur cause sont inévitables, nous n’apprécions pas l’impact réel de la crise mondiale actuelle causée par la pandémie.
En résumant leurs conclusions par région géographique:
Il y a eu entre 2,4 millions et 7,1 millions de décès excédentaires en Asie, alors que les décès officiellement déclarés par le COVID-19 s’élevaient à 0,6 million. Depuis, le déferlement d’infections, avec le variant Delta dans toute l’Inde et l’Indonésie, ces estimations devront désormais être revues à la hausse.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, on estime un nombre d’entre 1,5 et 1,8 million de décès en excès, alors qu’on a signalé 0,6 million décès dans le cadre du COVID. En Afrique, la surmortalité est estimée à 2,1 millions alors qu’on a signalé seulement 0,1 million de décès, ce qui témoigne du faible niveau de dépistage et de déclaration. En Europe, on a calculé 1,5 million à 1,6 million de décès en excès contre 1 million de décès déclarés. Il y avait aux États-Unis et au Canada, 0,7 million de décès en excès contre 0,6 million qui ont été déclarés.
Plus récemment, une estimation des décès non reconnus aux États-Unis a révélé qu’il y en avait eu 185.000, ce qui place le total des décès liés au COVID aux États-Unis à 775.000 à la fin de mai 2021.
Aux États-Unis, une personne sur 12 dans les établissements de soins de longue durée et une sur 10 dans les maisons de retraite sont mortes du COVID-19. Selon le tableau de bord COVID-19 des maisons de soins infirmiers de l’American Association of Retired Persons, au 15 juillet 2021, plus de 184.000 résidents et membres du personnel des maisons de soins infirmiers et autres établissements de soins de longue durée sont morts.
Il convient également de souligner que plus de 115.000 travailleurs de la santé sont morts du COVID-19 dans le monde.
Nous nous approchons rapidement du point où la pandémie de COVID-19 est l’événement le plus meurtrier de l’histoire américaine, même plus que la mort causée par la guerre civile. Et ceci malgré les vaccins COVID et tous les moyens pour mettre fin à la pandémie. Le gouvernement Biden, comme le gouvernement Trump, a gâché toutes les occasions de mettre fin à la pandémie, allant même jusqu’à supprimer des informations essentielles qui mettaient en évidence les dangers du variant, même chez les personnes vaccinées. Et maintenant, nous faisons face à la résurgence d’une tournure mortelle avec un virus beaucoup plus transmissible qui continue d’évoluer et de constituer une menace existentielle importante pour la population mondiale.
Notre sixième congrès national a eu lieu l’année dernière. Nous nous réunissions pour la première fois en ligne dans des conditions extraordinaires. Nous avons écrit: «La pandémie de COVID-19 est un événement déclencheur dans l’histoire du monde qui accélère la crise économique, sociale et politique déjà très avancée du système capitaliste mondial. Elle crée les conditions d’une immense intensification de la lutte des classes à l’échelle internationale».
Je voudrais terminer mon rapport en lisant une citation de Damir Huremovic, tirée d’un chapitre intitulé «La brève histoire des pandémies».
Il dit: «Très peu de phénomènes dans l’histoire de l’humanité ont façonné nos sociétés et nos cultures comme l’ont fait les épidémies de maladies infectieuses; pourtant, une attention remarquablement faible a été accordée à ces phénomènes dans les sciences sociales comportementales et dans les branches de la médecine qui sont, au moins en partie, fondées sur les études sociales. Dans une longue succession au cours de l’histoire, les épidémies pandémiques ont décimé des sociétés. Elles ont déterminé l’issue de guerres, anéanti des populations entières, mais aussi, paradoxalement, ouvert la voie à des innovations et des avancées dans les sciences (y compris la médecine et la santé publique), l’économie et les systèmes politiques».
(Article paru en anglais le 24 août 2021)