Mélenchon accepte d’être premier ministre sous un président d’extrême-droite

Dans une entrevue d’une heure sur BFM-TV hier soir, Jean-Luc Mélenchon, l’ex-candidat présidentiel de La France insoumise (LFI) a demandé aux Français de l’élire premier ministre aux élections législatives en juin. Il a promis de servir en tant que premier ministre sous l’un ou l’autre des deux candidats présidentiels encore en lice au second tour, le président sortant Emmanuel Macron ou la néofasciste Marine Le Pen.

Jean-Luc Mélenchon à Marseille, le 11 mai 2019 (AP Photo/Claude Paris)

Cette déclaration qu’il servirait sous l’un ou l’autre de ces candidats d’extrême-droite est un acte de mépris envers ses 7,7 millions d’électeurs. Des masses de travailleurs et de jeunes ont voté LFI pour marquer leur hostilité à la fois à Macron et à Le Pen, notamment des travailleurs musulmans visés par Le Pen et la loi «anti-séparatiste» islamophobe de Macron. Mais Mélenchon, loin d’essayer de rallier l’opposition ouvrière au prochain président, a souligné qu’il collaborerait avec lui, y compris si c’était un néo-fasciste.

Ceci souligne l’importance de l’appel du Parti de l’égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), à construire un mouvement rejetant les deux candidats, boycotter l’élection, et préparer les luttes à venir contre le prochain président. Seul le PES vise à armer les travailleurs et les jeunes avec une perspective pour une lutte irréconciliable contre ces deux candidats réactionnaires.

La position de Mélenchon objectivement est extrêmement puissante. Il a remporté le vote des jeunes de moins de 35 ans, des quartiers populaires, et 10 des 16 plus grandes métropoles de France. S’il ralliait ses électeurs à la fois contre Macron et Le Pen, appelant à des grèves et à des manifestations, il pourrait rapidement stopper l’économie. Une telle action, menée contre les menaces de guerre de l’OTAN contre la Russie et l’incurie officielle face à la Covid-19, pourrait encourager la lutte des classes à l’international, comme l’a fait la grève générale de Mai 68.

Mais Mélenchon essaie non pas de mobiliser mais de démobiliser ses électeurs, en laissant clairement entendre qu’ils devraient se résigner à l’idée d’un président d’extrême-droite qui aurait le soutien de leur candidat.

Il a tenté cyniquement de présenter cette politique réactionnaire sous un faux jour «militant». Il a prétendu qu’il demande aux électeurs de voter massivement pour LFI, qui pourrait actuellement remporter 105 des 577 sièges à l’Assemblée nationale, ce qui permettrait à LFI de former un gouvernement et le nommer premier ministre. «Je serai premier ministre pas par la grâce de M. Macron ou Mme Le Pen, mais parce que les Français l’auront voulu», a-t-il dit.

Quand l’intervieweur Bruce Toussaint a demandé sous quel candidat présidentiel il accepterait de servir en tant que premier ministre, Mélenchon a répondu: «C’est plutôt secondaire.» Interrogé à nouveau par Toussaint pour savoir s’il participerait vraiment à un gouvernement néofasciste en cas d’une victoire Le Pen, Mélenchon a répondu que si, en disant: «Vox populi, vox dei.»

Mélenchon a souligné que son attitude envers le néofascisme est devenue moins hostile au courant des 50 années depuis la fondation du Front national en 1972: «Au tout début des luttes avec le Front national, moi j’étais sur une position très dure. M’inspirant du passé, je disais qu’on n’avait pas à les accepter. … La question ne se pose par comme ça pour moi. Elle se pose par le fait que fondamentalement elle porte avec elle une vision de la France qui fait que c’est une autre France. Ce n’est pas la France dans laquelle nous sommes.»

Mélenchon a dit qu’à présent, ses différends avec Le Pen étaient concentrés sur la question du droit du sol, le droit des personnes nées sur le sol français d’être citoyens, et sur l’opportunité d’organiser un référendum sur l’interdiction du voile islamique en France.

Cette définition extrêmement restreinte de ses différends politiques avec le néofascisme témoigne du fait que Mélenchon lui-même a évolué très loin vers la droite. Il partage en effet le consensus ultra-droitier de l’élite dirigeante française en faveur d’une politique d’abandon total de la lutte contre le coronavirus et de la participation à une guerre livrée par l’Otan à la Russie. En effet, Mélenchon n’a même pas évoqué la pandémie, qui fait encore régulièrement environ un millier de morts chaque semaine en France.

Mélenchon a fait le silence sur l’endettement massif de l’État pendant la pandémie pour financer des plans de relance qui ont massivement bénéficié aux super-riches, les 500 plus grandes fortunes de France ayant augmenté de 40 pour cent en un an après l’annonce de ces plans de relance. Ceci a fait passer la dette publique de la France à environ 115 pour cent de son Produit intérieur brut.

Sur la guerre en Russie, où la presse accuse souvent Mélenchon d’avoir un faible pour le Kremlin, Mélenchon a rassuré BFM-TV qu’il était aligné sur l’Otan. Il a rappelé que dès 7h le jour de l’invasion russe de l’Ukraine, il avait dénoncé Moscou et prétendu que la Russie portait «l’exclusive responsabilité» de la guerre.

Ce n’est que dans ce contexte qu’on peut évaluer les quelques promesses sociales démagogiques faites par Mélenchon. En effet, il a fait observer que «Des millions de gens sont pris à la gorge dans ce pays», promis de bloquer les prix du gaz et d’augmenter le Smic à 1.400 euros mensuels, et proposé d’instaurer un Référendum d’initiative citoyenne, comme en Suisse. Mais il est impossible de financer une augmentation significative des niveaux de vie des masses tout en balançant constamment des milliards d’euros dans la guerre et les caisses des banques.

La défense des droits sociaux fondamentaux exige un assaut déterminé contre les privilèges des super-riches, la confiscation des fonds publics grâce auxquels ils se sont enrichis, la fin du gaspillage massif de l’argent sur la guerre, et une lutte pour stopper les morts de Covid-19. Mais il est absurde de prétendre qu’on pourrait mener de telles politiques sous une présidence de Macron ou de Marine Le Pen.

C’est pour cela que le PES met en avant un boycott actif du second tour, pour souder les travailleurs et les jeunes dans leur opposition aux candidats présidentiels réactionnaires et les unifier derrière une opposition de classe au prochain président. A présent, il est évident que cette perspective crée une opposition frontale non seulement entre le PES et les candidats présidentiels, mais aussi entre le PES et Mélenchon. Au nom d’une ré-évaluation plus positive du néofascisme, Mélenchon évolue vers un soutien politique aux deux candidats réactionnaires contre les travailleurs.

Cette position oppose le PES non seulement à Mélenchon, mais à toute une série de partis en faillite à qui Mélenchon propose de se rallier autour d’une Union populaire. Il a déclaré à BFM-TV que les Verts, le PCF stalinien et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot pourraient rejoindre son alliance. En effet, le NPA a déjà répondu positivement, dans un «Courrier du Nouveau parti anticapitaliste à l’Union populaire» qui déclare que «nous nous félicitons de l’initiative que vous avez prise» et conclut: «Rencontrons-nous dans les jours qui viennent.»

Cela n’est pas un rassemblement de la gauche, mais un ramassis de partis petit-bourgeois de pseudo gauche, qui soutiennent l’impérialisme et la politique d’infection de masse au coronavirus, et qui sont manifestement prêts à envisager des alliances avec l’extrême-droite.

Le PES réaffirme dans ces circonstances son appel à un boycott du second tour, et que le PES est l’alternative politique qu’il faut construire à la pseudo-gauche.

Loading