Élections québécoises: le bilan réactionnaire de la CAQ

À la veille des élections provinciales du 3 octobre, les sondages indiquent une forte avance de la Coalition avenir Québec, le parti chauvin de droite qui gouverne la province depuis octobre 2018 sous la houlette du multimillionnaire et ancien PDG d’Air Transat, François Legault.

Le premier mandat de la CAQ a été marqué par une réponse désastreuse à la pandémie de COVID-19, de brutales mesures anti-ouvrières et la promotion d’un virulent chauvinisme québécois.

Laisser-faire face à la pandémie

Sous les slogans successifs de l’«immunité collective» et de la nécessité de «vivre avec le virus», la politique du gouvernement Legault face à la pandémie a été consacrée à la protection des profits de la classe dirigeante au détriment de la santé publique.

Cette politique a entraîné plus de 16.700 morts évitables rien qu’au Québec. La même indifférence criminelle à la vie humaine à tous les niveaux de gouvernement au Canada a causé plus de 45.000 morts dans l’ensemble du pays.

Au début de la pandémie, le gouvernement Legault, tout comme son homologue fédéral et les gouvernements des autres provinces, n’a rien fait pendant plusieurs semaines alors que des avertissements avaient été lancés dès le mois de janvier 2020 après l’apparition du nouveau coronavirus en Chine.

Ce n’est qu’à la mi-mars 2020, sous la pression des travailleurs, que le gouvernement a imposé un confinement temporaire. Cette période a été utilisée par le gouvernement libéral canadien de Justin Trudeau – soutenu par les gouvernements provinciaux, le NPD et les syndicats – pour mettre en œuvre un plan de sauvetage de 650 milliards de dollars au profit des banques et des grandes entreprises.

Dès le mois d’avril 2020, le gouvernement de la CAQ a entamé un déconfinement précipité et réclamé la réouverture complète des écoles, des garderies et des industries non essentielles au nom de la «réouverture de l’économie», c’est-à-dire le retour des travailleurs dans des milieux de travail non sécuritaires pour que la classe capitaliste puisse reprendre l’extraction de profits.

Le premier ministre du Québec, François Legault

Legault a alors publiquement invoqué l’«immunité collective» pour justifier les actions de son gouvernement. Selon cette politique criminelle, il fallait laisser le virus contaminer une majorité de la population au motif que celle-ci allait ainsi acquérir une «immunité» naturelle. Même s’il a ensuite dû revenir sur ses propos, l’immunité collective est restée au cœur de sa réponse à la pandémie.

L’inaction des mois de janvier et février et le déconfinement téméraire ont mené à une hécatombe dans les CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée). Ces centres pour aînés ont enregistré quelque 4.000 décès entre mars et juin 2020, contribuant à un taux de mortalité par habitant au Québec parmi les plus élevés du monde pendant la première vague de la pandémie.

La réouverture des écoles à l’automne 2020, dans un contexte où la plupart des mesures sanitaires avaient été levées, a provoqué une deuxième vague qui a ravagé le Québec et atteint son pic à la fin décembre 2020 et au début janvier 2021.

Au plus fort de cette vague, le gouvernement Legault a été contraint de mettre en vigueur certaines mesures limitées (couvre-feu, fermeture partielle des restaurants, limitation des rassemblements privés) tout en gardant ouvertes les écoles et la plupart des industries non essentielles afin que les profits continuent de couler à flots. Ces mesures limitées et insuffisantes n’ont été tolérées par l’élite dirigeante que le temps nécessaire pour que les cas se stabilisent.

Ce cycle meurtrier – augmentation des cas, mise en place de mesures limitées, stabilisation des cas, élimination hâtive des mesures, remontée fulgurante des cas – a été répété pour une troisième vague qui a atteint son pic au début de mai 2021, et une quatrième vague à l’automne 2021.

Après la découverte en Afrique du Sud du variant Omicron, hautement contagieux, en novembre 2021, le gouvernement Legault a de nouveau ignoré les avertissements des scientifiques. Une cinquième vague a frappé le Québec de plein fouet en décembre 2021 et en janvier 2022, infectant 3 millions de personnes (sur une population totale d’environ 8,5 millions) et causant quelque 1.800 décès entre décembre et février, le nombre le plus élevé de toutes les vagues à l’exception de la première.

L’infection de plus d’un tiers des Québécois en l’espace de deux mois, qui a été accueillie par le directeur de la Santé publique, le Dr Luc Boileau, a marqué le début de la campagne d’élimination totale et définitive de toutes les mesures sanitaires au prétexte que la population devait «apprendre à vivre avec le virus».

En février de cette année, alors que les infections et les hospitalisations atteignaient des niveaux records dépassant de loin tout ce qui avait été vu au cours des 4 premières vagues, on a vu l’apparition du «convoi de la liberté», un mouvement d’extrême droite qui a occupé la capitale canadienne d’Ottawa en exigeant la fin de toutes les mesures anti-COVID. Trudeau et tous les paliers de gouvernement au Canada ont vite fait de céder aux exigences de ces éléments fascistes. Le gouvernement Legault a éliminé tout ce qui restait des mesures sanitaires et démantelé les derniers vestiges du système de dépistage et de suivi des contacts.

Depuis, le virus circule librement au Québec, infectant un nombre inconnu de personnes chaque jour et tuant des centaines de personnes chaque mois. Dans les quatre dernières semaines, pas moins de 409 personnes sont mortes de la COVID au Québec, dans l’indifférence totale de la classe dirigeante et des grands médias.

Attaques contre les travailleurs

Le règne de la CAQ a aussi été marqué par une accélération de l’assaut sur les conditions de vie de la classe ouvrière.

Le gouvernement Legault, avec la pleine collaboration des appareils syndicaux, a imposé des contrats de travail pourris aux employés du secteur public, notamment aux infirmières et au personnel scolaire.

Après les avoir présentés comme des «héros» et des «anges gardiens» pendant la pandémie, Legault a «récompensé» les infirmières du Québec en août 2021 avec un contrat contenant des «augmentations» salariales de 6% sur trois ans. Celles-ci représentaient en réalité une basse drastique de salaire en tenant compte de l’inflation, qui se situait alors à 3.6% par année et atteint maintenant 7%.

Bien que la pandémie ait accéléré la détérioration du système de santé, déjà saigné à blanc par des décennies de compressions budgétaires, la convention collective des infirmières ne contenait aucune mesure sérieuse pour combattre la pénurie de personnel et elle perpétuait le temps supplémentaire obligatoire détesté.

Les enseignants et le personnel scolaire, qui ont dû travailler en pleine pandémie dans des écoles vétustes, bondées et mal ventilées, ont pour leur part «obtenu» des contrats de travail qui prévoient des «augmentations salariales» d’au plus 2% par année, des bonis conditionnels bidons et aucune mesure sérieuse pour contrer la pénurie de personnel et alléger les charges de travail.

Les travailleurs du secteur privé ont aussi fait les frais des politiques propatronales de la CAQ. Au printemps 2019, quelques mois après son arrivée au pouvoir, Legault est intervenu dans le conflit de travail à l’aluminerie de Bécancour (ABI) en dénonçant les «salaires élevés» des travailleurs du secteur industriel du Québec et en blâmant les conditions de travail onéreuses du Québec pour les pertes d’emplois.

Le gouvernement Legault a publiquement appuyé le patronat lors des grèves à l’abattoir d’Olymel à Vallée-Jonction et à l’usine d’Exceldor à Saint-Anselme. Durant le conflit au port de Montréal, son ministre de l’économie Pierre Fitzgibon, un autre millionnaire, a salué la criminalisation de la grève des débardeurs par le gouvernement libéral fédéral. La CAQ a elle-même plusieurs fois brandi la menace d’une loi spéciale, notamment pour interdire toute grève des travailleurs de la construction qui forment un important bataillon de la classe ouvrière.

Virulent nationalisme québécois

Dès les premiers mois de son mandat, le gouvernement a fait adopter le projet de loi 9 pour réduire le nombre d’immigrants et obliger les candidats immigrants à s’engagerà réaliser des démarches pour apprendre le français et les «valeurs québécoises». Cette première loi réactionnaire a mis la table pour les autres mesures chauvines qui ont suivi.

Les minorités religieuses ont été la cible de la Loi 21, qui interdit le port de symboles religieux par les enseignants et les employés de l'État «en position d'autorité», prive les femmes musulmanes entièrement voilées de services publics essentiels et contient une «clause dérogatoire» pour la soustraire à toute contestation légale même si elle bafoue les droits «garantis» par la Charte canadienne des droits et libertés.

La Loi 21, dont l’adoption a provoqué une forte augmentation des incidents haineux, s’inscrit dans le sillage d’une longue campagne contre les minorités religieuses qui a débuté au début des années 2000 avec un débat bidon sur les «accommodements déraisonnables» auquel ont participé tous les partis politiques. Québec Solidaire (QS), supposément «de gauche», avait même qualifié ce débat de «légitime».

Le gouvernement de la CAQ a fait adopter en mai dernier la Loi 96 pour empêcher les immigrants, six mois après leur arrivée dans la province, de communiquer avec le gouvernement provincial, ou accéder aux services publics essentiels, en anglais. Cette loi anti-démocratique élargit la portée des clauses discriminatoires de la loi 101 pour faciliter l’accès de la classe moyenne francophone aux postes de cadres dirigeants dans l’État et la grande entreprise. Elle a également été adoptée avec une «clause dérogatoire».

La CAQ a fait la promotion du nationalisme québécois en introduisant des obligations «d’achat québécois» dans les appels d’offres publics et en créant un cours Culture et citoyenneté québécoise qui endoctrinera les étudiants de la province à la «fierté québécoise», avec bien sûr «une petite saveur chauvine», selon les termes de la vice-première ministre Geneviève Guilbault.

Les mesures chauvines de la CAQ sont le point culminant du tournant de toute l’élite dirigeante vers un nationalisme québécois encore plus prononcé. L’objectif premier de ce réalignement est d’empêcher une lutte unifiée de tous les travailleurs contre ses politiques réactionnaires en les divisant sur des lignes religieuses, ethniques, culturelles et linguistiques.

Legault a lui-même justifié sa réponse à la pandémie et ses mesures nationalistes chauvines en invoquant l’importance pour l’État de promouvoir la «cohésion sociale» et la «cohésion nationale», dans un langage qui rappelle celui de l’extrême droite. Cela démontre que la classe dirigeante est prête à prendre les mesures les plus extrêmes, et à utiliser les forces les plus réactionnaires de la société, pour contrecarrer et réprimer toute opposition venant de la classe ouvrière.

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