Le remplacement de Liz Truss par Rishi Sunak au poste de premier ministre a été effectué à la demande de l’oligarchie financière, dont la principale exigence est que le gouvernement intensifie ses attaques contre la classe ouvrière.
Truss a été congédiée parce que son mini-budget de septembre – qui prévoyait 45 milliards de livres de réductions d’impôts pour les plus riches – devait être financé par des emprunts, plutôt que par l’imposition immédiate d’une austérité supplémentaire. Si son congédiement expéditif a révélé des divergences entre des factions du Parti conservateur au pouvoir sur la manière de financer d’autres vastes subventions aux super-riches, il n’existe aucun désaccord lorsqu’il s’agit d’imposer les mesures dictatoriales nécessaires à l’application de cette mesure.
Dans son manifeste électoral de 2019, Boris Johnson s’était engagé à instaurer des niveaux de service minimum (MSL) lors des grèves dans les transports, ce qui rendrait inefficace la grève syndicale dans ce secteur. Une autre politique visant à neutraliser les grèves, qui remonte au manifeste électoral conservateur de 2015, consistait à légiférer pour permettre aux agences de fournir des travailleurs temporaires afin de remplacer les travailleurs en grève.
La législation sur les travailleurs intérimaires est devenue une loi le 21 juillet. Dans le même temps, une loi a été adoptée pour relever le niveau des dommages-intérêts maximaux qui peuvent être imposés par les tribunaux pour pénaliser un syndicat lorsqu’une action de grève est jugée «illégale». Pour les plus grands syndicats, le plafond est désormais de 1 million de livres.
Ces lois ont été adoptées même si Johnson avait annoncé sa démission le 7 juillet, ce qui a provoqué l’élection qui a porté Truss au pouvoir.
Cette dernière a annoncé qu’elle chercherait à légiférer sur les MSL dans les 30 jours suivant son entrée en fonction. La tâche incombe maintenant à Sunak, la loi devant être promulguée au début de 2023.
L’ampleur de l’offensive du gouvernement contre la classe ouvrière est soulignée par le projet de loi sur l’ordre public: l’un des textes législatifs les plus draconiens de l’histoire britannique qui mettrait effectivement fin au droit de manifester et réprimerait davantage les grèves.
Le projet de loi est aussi utilisé pour relancer des sections de la loi de 2022 sur la police, la criminalité, les peines et les tribunaux jugées si ouvertement dictatoriales qu’elles avaient été rejetées à la Chambre des Lords. Il s’agit notamment de rendre illégal pour une personne d’interférer avec l’utilisation ou le fonctionnement des infrastructures nationales clés, y compris les aéroports, le réseau routier, les chemins de fer et les presses de journaux. Ainsi, une grève dans ces secteurs serait essentiellement criminalisée.
Les manifestations sont jugées illégales si elles incluent des actes causant «une perturbation grave à deux ou plusieurs personnes, ou à une organisation». La «perturbation grave» inclut le «bruit», ce qui signifie que toute manifestation peut être déclarée illégale.
Des peines de prison pouvant aller jusqu’à 51 semaines sont introduites pour les personnes qui «s’attacheraient» à des objets fixes ou à d’autres personnes.
La police se voit également accorder de nouveaux pouvoirs massifs en matière d’interpellation et de fouille, ainsi que le droit d’émettre des «ordonnances de prévention des perturbations graves» (SDPO). Un SDPO peut être imposé aux personnes qui ont participé à au moins deux manifestations au cours d’une période de cinq ans, que la personne ait été condamnée ou non pour une infraction. La personne peut se voir imposer une ordonnance de deux ans lui interdisant de participer à d’autres manifestations.
Les personnes faisant l’objet d’un SDPO peuvent être contraintes de porter un bracelet électronique pour que leurs déplacements soient surveillés.
Pour imposer cet assaut dictatorial, Sunak a ramené au poste de ministre de l’Intérieur l’une des figures les plus à droite du Parti conservateur, Suella Braverman. Et cela, quelques jours seulement après qu’elle a été contrainte de quitter son poste pour avoir enfreint le code ministériel.
Deux jours avant la démission de Truss, Braverman a fait passer un amendement de dernière minute qui permet au ministre de l’Intérieur de demander des injonctions contre toute personne qu’il juge «susceptible» de mener des manifestations qui pourraient causer de «graves perturbations» aux «infrastructures nationales clés», empêcher l’accès à des biens ou services «essentiels» ou avoir un «effet négatif grave sur la sécurité publique».
Lors du vote final de la Chambre des communes sur le projet de loi sur l’ordre public, le gouvernement l’a emporté avec une majorité de 49 voix. Les travaillistes n’ont voté contre que parce que l’appareil répressif actuel de l’État était suffisant selon eux pour réprimer les manifestations. Mais la députée travailliste Sarah Jones s’est vantée: «En avril dernier, le Parti travailliste a demandé un renforcement des pouvoirs d’injonction à la suite des perturbations provoquées par “Just Stop Oil…” Nous avons suggéré des injonctions parce qu’elles sont plus susceptibles d’empêcher de nouvelles perturbations, par exemple dans un terminal pétrolier, que des infractions supplémentaires qui visent à criminaliser une conduite après qu’elle a eu lieu, avec tous les coûts et la logistique supplémentaires que cela implique. Les injonctions sont plus simples pour la police, elles offrent plus de garanties puisqu’on les accorde par un tribunal et elles sont à l’épreuve du temps lorsque les manifestants changent de tactique».
Face aux nouvelles manifestations organisées par les groupes environnementaux, Starmer a mentionné la répression qu’il a préparée si les travaillistes prenaient le pouvoir. Il a déclaré lundi à une émission téléphonique de la radio LBC que pendant son mandat (2008-2013) de directeur des poursuites publiques, «nous avons toujours eu des lois disponibles» pour poursuivre les personnes qui mènent de telles actions.
Il a ajouté: «Nous avons fait pression pour que les peines soient plus longues pour ceux qui se collaient aux routes et aux autoroutes. Nous ne l’avons pas fait passer, mais c’est ce que je voulais.» Interrogé par l’animateur Nick Ferrari, «Et c’est ce que vous voudriez à l’avenir?», Starmer a répondu, «Oui».
Les syndicats n’ont rien fait pour mobiliser leurs millions de membres contre la législation. La seule réponse du Congrès des syndicats britanniques (TUC) a été une déclaration de la dirigeante sortante Frances O’Grady: «Si les ministres traversent la route pour se battre avec nous, nous les rencontrerons à mi-chemin… Lisez sur mes lèvres: nous nous verrons au tribunal»!
Parmi la section clé de travailleurs que la législation vise à réprimer, on trouve des dizaines de milliers de membres du personnel ferroviaire, qui ont mené une action de grève nationale tout au long des derniers mois. La législation sur le service minimum prépare le terrain pour des licenciements massifs, le gouvernement déclarant qu’en vertu de cette législation, «les travailleurs spécifiés qui continuent à faire grève perdront leur protection contre les licenciements abusifs automatiques».
La principale préoccupation de Mick Whelan, chef du syndicat des conducteurs de train ASLEF, est que le projet de loi sur le niveau de service minimum «ne fera que prolonger les conflits sociaux». Whelan a minimisé les dangers de cette législation sauvage et les intentions du gouvernement conservateur, déclarant: «Le gouvernement prétend qu’une législation similaire existe dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, la France et l’Espagne. Oui, elle existe, mais ce que le gouvernement ne sait pas – ou choisit de ne pas dire – c’est qu’elle n’est pas appliquée. Parce qu’ils savent que cela ne fonctionne pas».
C’est faux. Non seulement ces gouvernements et d’autres ont recours à de telles législations, mais des législations encore plus draconiennes ont été utilisées au fur et à mesure que la lutte des classes s’intensifie en Europe.
Rien que cette année, les travailleurs espagnols en grève des compagnies aériennes et de la métallurgie se sont vu imposer des niveaux de service minimum. Cet été, le gouvernement espagnol du Parti socialiste (PSOE)-Podemos et Ryanair ont imposé une exigence de service minimum qui empêche de nombreux travailleurs de débrayer légalement. Dans le cas de la grève des métallurgistes en Cantabrie, on a retiré le droit de grève à 150 travailleurs par l’imposition d’un service minimum de 100 pour cent dans 12 entreprises.
Ce mois-ci, en France, le gouvernement Macron a réquisitionné les travailleurs des raffineries en grève pour les forcer à reprendre le travail afin de briser une grève puissante qui frappait les artères de l’économie.
Cette offensive s’est accélérée au cours de la dernière décennie, lorsque la classe dirigeante européenne a imposé une austérité brutale pour faire payer aux travailleurs l’effondrement financier mondial de 2008.
En décembre 2010, le gouvernement espagnol du PSOE a forcé 2.200 contrôleurs aériens à reprendre le travail sous la menace des armes pour briser une grève sauvage. Des soldats armés se tenaient au-dessus d’eux et menaçaient de les arrêter immédiatement s’ils cessaient le travail.
En janvier 2013, le gouvernement grec de coalition dirigé par Nouvelle Démocratie, qui comprenait le PASOK social-démocrate et la Gauche démocratique, a placé les travailleurs du métro en grève sous la loi martiale, les obligeant ainsi à reprendre le travail sous peine d’emprisonnement. Le mois suivant, la coalition a invoqué les pouvoirs d’urgence sous la forme d’une «mobilisation civile», en enrôlant officiellement les grévistes des transbordeurs dans le service militaire et en leur ordonnant de reprendre le travail.
La classe dirigeante sait qu’une nouvelle crise économique mondiale et de nouveaux cycles d’austérité ne peuvent être imposés à la classe ouvrière que par des moyens encore plus agressifs et violents. Les travailleurs doivent s’armer politiquement pour faire face aux batailles de classe qui s’annoncent.
(Article paru en anglais le 27 octobre 2022)