La démagogie de la «gauche» au service de la réaction

Bernie Sanders, pro-guerre, fait campagne pour les démocrates à l’Université du Michigan

Samedi, le 5 novembre, le sénateur Bernie Sanders a pris la parole à l’Université du Michigan (UM) dans le cadre de sa tournée nationale «Our Future Is Now» visant à promouvoir les candidats démocrates aux élections de mi-mandat.

S’adressant à un millier de personnes dans l’auditorium Rackham de l’université, Bernie Sanders a fait valoir que tous les jeunes et les étudiants devaient se rendre aux urnes le jour du scrutin, le 8 novembre, pour voter «partout» contre les républicains et pour les démocrates, car cette élection a des conséquences uniques.

Sanders a cité l’attaque contre le droit à l’avortement, le changement climatique et l’attaque continue contre la démocratie par Trump et les républicains comme des raisons de voter pour les démocrates. Dans le même temps, il a affirmé de manière hypocrite que son soutien général ne laissait «en aucun cas» entendre que Biden et les démocrates en faisaient «assez».

Sanders a qualifié le changement climatique de question «existentielle», avertissant que si l’on ne s’attaque pas au réchauffement de la planète, l’humanité tout entière sera menacée dans les décennies à venir. C’est bien sûr vrai, tout comme le fait qu’à part les belles paroles, Biden et les démocrates n’en ont pas fait plus que tous les autres gouvernements pour s’attaquer au problème.

Au cours de son discours de 45 minutes, Sanders n’a mentionné nulle part une menace existentielle encore plus immédiate: la guerre menée par les États-Unis contre la Russie en Ukraine, qui menace de déclencher une guerre mondiale nucléaire.

Il ne s’agit pas d’un oubli. Sanders, malgré toute sa démagogie de gauche, n’est pas un socialiste. Il est un élément essentiel du Parti démocrate et, comme tous les politiciens démocrates et républicains, un défenseur loyal du capitalisme et de l’impérialisme américain et de ses guerres d’agression, y compris la guerre par procuration provoquée par les États-Unis et l’OTAN contre une Russie qui dispose de l’arme nucléaire. Ces derniers jours, Sanders est directement intervenu pour s’opposer aux négociations de paix et exiger «la guerre jusqu’à la victoire» pour l’Ukraine, augmentant ainsi le danger d’un holocauste nucléaire.

Le vice-président Biden félicite le sénateur Bernie Sanders lors d’une reconstitution de la cérémonie de prestation de serment pour son second mandat au Sénat des États-Unis [Photo: sanders.senate.gov] [Photo: sanders.senate.gov]

Le mois dernier, 30 membres du Caucus progressiste de la Chambre des représentants ont publié une lettre ouverte à Biden appelant à des pourparlers de paix avec la Russie, citant «les possibilités catastrophiques d’une escalade et d’une erreur de calcul nucléaires» et la faim dans le monde en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cette lettre a suscité une réponse féroce de la part des dirigeants du Parti démocrate.

L’administration Biden ne souhaite pas la fin de la guerre. Sa préoccupation majeure n’est ni la défense de la démocratie – que ce soit en Europe ou aux États-Unis – ni l’«autodétermination» de l’Ukraine, mais plutôt l’affaiblissement et le démembrement éventuel de la Russie, que le Pentagone, la CIA et Wall Street considèrent comme un obstacle pour affronter et vaincre la Chine et établir l’hégémonie américaine sur le continent eurasien. À cette fin, Biden est prêt à sacrifier la vie d’innombrables Ukrainiens et Russes, et à risquer la mort de millions, voire de milliards de personnes dans le monde.

Moins de 24 heures après la parution de la lettre, dans une démonstration de lâcheté et de subordination à l’appareil militaire et de renseignement, les soi-disant «progressistes» l’ont retirée et ont affirmé leur soutien à la poursuite de la guerre «jusqu’à la victoire de l’Ukraine».

Le lendemain, Sanders, interrogé par un journaliste sur la lettre et son retrait, a déclaré: «Je ne suis pas d’accord avec cela, et ils ne sont pas d’accord avec cela, apparemment. Elle a été retirée aujourd’hui, donc cela devient un non-sujet». C’est ainsi que le sénateur du Vermont a entamé sa tournée pré-électorale visant à soutirer des votes pour les démocrates en déclarant son soutien à la guerre jusqu’à la «victoire».

Le soutien total à la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie et à sa nouvelle escalade est la position non seulement de Sanders, le héros des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) et de la pseudo-gauche plus généralement, mais celle des DSA eux-mêmes. Aucun des quatre membres DSA du Caucus progressiste de la Chambre des représentants – Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Cori Bush et Jamaal Bowman – n’a fait de déclaration sur le retrait de la lettre.

En mars dernier, tous les membres des DSA du Congrès ont voté à l’unanimité pour une enveloppe d’aide militaire de 40 milliards de dollars pour la guerre en Ukraine. Les membres des DSA étaient présents au rassemblement de samedi à l’UM pour promouvoir Sanders et la fiction selon laquelle le Parti démocrate peut être poussé vers la gauche. Pendant son discours, Sanders a tenu à souligner la présence de la députée démocrate des DSA, Rashida Tlaib, dans l’assistance.

L’administration a injecté plus de 50 milliards de dollars d’aide militaire en Ukraine depuis que la Russie a envahi le pays en février dernier. Cela représente plus de quatre fois le coût annuel du programme d’allègement de la dette étudiante totalement inadéquat de Biden, actuellement bloqué par les tribunaux.

L’invasion de Poutine était une réponse réactionnaire et désastreusement mal calculée du régime oligarchique capitaliste qu’il dirige à des décennies de provocations menées par les États-Unis, y compris l’expansion vers l’est de l’alliance militaire de l’OTAN jusqu’aux frontières mêmes de la Russie. Les États-Unis ont soutenu l’opération de changement de régime en Ukraine en 2014, qui a amené à Kiev un gouvernement d’extrême droite, farouchement nationaliste, qui glorifie Stepan Bandera, le leader nationaliste qui a collaboré avec les nazis dans le meurtre de masse des Juifs et des Polonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis et l’OTAN ont massivement armé le gouvernement ukrainien et ses alliés fascistes tels que le bataillon Azov, transformant l’Ukraine en un instrument de guerre contre la Russie.

Le soutien de Sanders à l’impérialisme n’est pas nouveau. Pendant des décennies, il a soutenu la campagne de guerre internationale de Washington, y compris la destruction de l’Irak et de la Syrie par l’administration Obama sous prétexte de vaincre ISIS. Le militarisme de Sanders va de pair avec son nationalisme économique, que la classe dirigeante et les bureaucraties syndicales emploient pour dresser les travailleurs américains contre leurs frères et sœurs de classe en Chine, au Mexique et dans d’autres pays.

Les services rendus par Sanders à la classe dirigeante ont consisté en des interventions répétées visant à soutenir les bureaucraties syndicales qui ont trahi une grève après l’autre. Il s’est fait un point d’honneur à l’UM d’associer faussement la classe ouvrière avec les syndicats corporatistes et pro-impérialistes. «J’ai participé à plusieurs grèves, en défendant les travailleurs», s’est-il vanté.

Les travailleurs qu’il a «défendus» comprennent 2000 étudiants diplômés de l’Université de New York, dont la grève de l’été 2021 a été trahie par le Graduate Student Organizing Committee (GSOC), un syndicat affilié à l’United Auto Workers (UAW).

En novembre de la même année, Sanders a organisé un forum virtuel pour offrir une couverture aux reculs imposés par l’UAW aux travailleurs en grève du fabricant de matériel agricole John Deere.

Cette année, il a soutenu le contrat au rabais imposé par l’Union des travailleurs de l’alimentation et du commerce à 8400 travailleurs du supermarché King Soopers, et s’est rendu en Grande-Bretagne pour promouvoir le syndicat des chemins de fer, de la marine et des transports, qui s’efforçait d’isoler et d’étouffer les grèves des travailleurs du rail en pleine vague de débrayages des travailleurs de la santé, des travailleurs du bus et d’autres.

Aujourd’hui, il soutient la tentative de l’administration Biden, des compagnies ferroviaires et du Congrès d’imposer un contrat au rabais à 120.000 cheminots américains.

En parlant avec les journalistes du WSWS et les membres des Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (IYSSE) avant l’événement de samedi, des étudiants et de jeunes travailleurs ont fait part de leurs préoccupations concernant les attaques contre les droits démocratiques tels que l’avortement et la menace des forces d’extrême droite au sein et autour du Parti républicain. Mais ni Sanders ni ses promoteurs des DSA n’ont pu proposer de politiques pour répondre à ces problèmes ou à tout autre enjeu crucial auquel sont confrontés les jeunes et les étudiants.

Les membres de l’IYSSE ont distribué des tracts et ont parlé aux participants du rôle de Sanders et des DSA dans le soutien à la guerre en Ukraine. En opposition à la démagogie de Sanders, l’IYSSE a expliqué son combat pour construire un mouvement international anti-guerre de jeunes et d’étudiants basé sur la classe ouvrière et la lutte pour le socialisme. De nombreux étudiants ont exprimé leur intérêt et se sont inscrits pour en savoir plus.

La semaine dernière, l’IYSSE a publié une déclaration appelant à la construction de ce mouvement et annonçant une réunion mondiale en ligne qui se tiendra le samedi 10 décembre. Les travailleurs et les jeunes peuvent s’inscrire à la réunion ici.

(Article paru en anglais le 9 novembre 2022)

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