Des manifestants pro-palestiniens à l'University College Dublin ont dénoncé Bernie Sanders comme un sioniste pour s'être opposé à un cessez-le-feu à Gaza et comme un négateur du génocide pour avoir refusé de soutenir la plainte de l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ).
Lors d’une discussion entre Bernie Sanders et David McWilliams du quotidien Irish Times, le 15 février, dans le cadre du festival du livre de Dalkey, le sénateur soi-disant de gauche du Vermont faisait la promotion de son livre « It’s OK To Be Angry At Capitalism» (C'est normal d’être en colère contre le capitalisme).
Au cours de cet événement qui a attiré un millier de personnes, il a déclaré qu’il essayait de persuader le gouvernement Biden d’appeler à une «pause humanitaire ou à un cessez-le-feu afin de fournir l’aide dont on a désespérément besoin». Toutefois, se référant à la décision provisoire de la Cour internationale de justice du 26 janvier selon laquelle il existe des motifs juridiques d’accuser Israël de génocide à l’encontre du peuple palestinien, Sanders a déclaré qu’il était «un peu mal à l’aise» à l’idée d’utiliser le mot «génocide». «Nous devons être prudents à ce sujet».
Un membre du public a crié: «C’est un génocide». Un autre a demandé à Sanders: «Quelle est votre définition du génocide»? Un troisième a fait une dénonciation plus longue depuis la salle, en disant: «Bernie, vous avez vous-même financé le sionisme. Vous avez financé l’État colonisateur israélien. Et vous êtes là, à prétendre le contraire. C’est dégoûtant. Menteur, menteur, négateur de génocide»! Et de conclure: «C’est dégoûtant. C’est répréhensible. Vous êtes un tueur d’enfants, vous êtes un négateur de génocide. Le complexe militaro-industriel des États-Unis est le plus grand meurtrier au monde. Peu importe qu’il s’agisse d’un démocrate ou d’un républicain. Vous avez assassiné des gens dans le monde entier ».
D’autres personnes présentes dans la salle ont scandé «La résistance est une obligation face à l’occupation» et «L’occupation, c’est du terrorisme».
Des manifestants à l’extérieur avaient auparavant scandé: «C’est normal d’être en colère contre le capitalisme, mais qu’en est-il du sionisme?
Le lendemain soir, à Trinity College [l’université de Dublin] Sanders devait s’exprimer lors d’un événement organisé par l’Institut Sanders et le New York Ireland Project, présenté par un autre journaliste de l’Irish Times, Fintan O’Toole. Les billets étaient vendus au prix de 45 euros.
Des militants pro-palestiniens se sont rassemblés en scandant «Bernie Sanders, tu ne peux pas te cacher, tu nies le génocide» et «USA, qu’en dites-vous? Combien d’enfants avez-vous tués aujourd'hui»?
À l’intérieur, Sanders a parlé sans contestation pendant la majeure partie des débats, au cours desquels il a déclaré qu’il «travaillait dur pour changer la position de Biden sur Israël» tout en insistant sur le fait qu’il «ferait de son mieux pour vaincre Trump, en comprenant que Biden n’a en aucun cas fait ce que j’aimerais qu’il fasse».
Une manifestante s'est approchée de l'estrade en demandant: « Pourquoi n'appelez-vous pas à un cessez-le-feu? » Elle a fait référence à la déclaration de Sanders sur CNN en novembre dernier, comme quoi il ne croyait pas « qu'il puisse y avoir un cessez-le-feu permanent avec une organisation comme le Hamas ».
Alors que le personnel de sécurité la bloquait, O'Toole lui a dit qu’elle pouvait «poser la question». Sanders a alors répondu qu’il n’allait pas répondre à la question parce qu’il « n’aimait pas que les gens l’interrompent». Il a poursuivi en disant qu’il avait déjà parlé de son «point de vue sur Gaza» et qu'il faisait «tout ce qu’il pouvait». Un membre du public a crié «Non, vous ne le faites pas».
Selon le journal de l’université Trinity News, une personne de l’auditoire a interrogé Sanders sur un cessez-le-feu, ce à quoi il a suggéré avec mépris que l’homme devrait «appeler Netanyahou et lui dire, vous savez, Bibi, je pense que vous devriez avoir un cessez-le-feu». Au milieu d’autres appels au cessez-le-feu lancés par le public, Sanders a déclaré que l’on pouvait «réclamer tout ce que l’on voulait», mais que le «meilleur rôle» qu’il pouvait jouer était de bloquer l’aide à Israël.
Se vantant de sa motion demandant la suspension de la dernière tranche de 14 milliards de dollars d’aide militaire américaine à Israël, il a déclaré lamentablement: «Mon rêve serait que le président se réveille enfin et prenne conscience de ce que je pense que le peuple américain veut, et dise: ‘‘Vous savez quoi, Netanyahou, vous n’aurez pas un centime de plus tant que vous n’aurez pas arrêté cette foutue guerre et traité le peuple palestinien avec le respect et la dignité qu’il mérite”».
Et de poursuivre: «Je fais des cauchemars à propos de ce qui se passe, c’est une horreur. Croyez-le ou non, j’essaie de faire de mon mieux pour mettre fin à cette guerre». L’un des quelques manifestants présents dans la salle a crié: «Ce n’est pas une horreur, c’est un génocide'.
Une vingtaine de manifestants ont empêché la voiture de Sanders de quitter l'université en scandant « Bernie Sanders, tu ne peux pas te cacher, tu soutiens un génocide » et « Cessez le feu maintenant ». Une douzaine de Gardaí (policiers) ont formé un barrage et Sanders a ensuite été emmené en voiture.
La réputation de Sanders d’être « de gauche » et sa capacité à servir de bouclier et d'apologiste pour le parti démocrate ont été massivement discréditées par son soutien à peine dissimulé au génocide israélien à Gaza.
Un article de Barry Grey paru le 29 novembre 2023 dans le WSWS était intitulé «Bernie Sanders: Le visage de gauche du génocide». Il note que Sanders «cherche à se présenter comme un défenseur impartial tant de l’État israélien que des Palestiniens». Il cite son article d’opinion du 22 novembre dans le New York Times, intitulé «Justice pour les Palestiniens et sécurité pour Israël», et se réfère à sa déclaration sur CNN s’opposant aux appels à un cessez-le-feu.
«Les commentaires de Sanders ont été salués par les responsables israéliens et le porte-parole du gouvernement israélien, Eylon Levy, a partagé un extrait de l’interview sur X/Twitter», écrit Grey. La tribune de Sanders dans le Times du 22 novembre appelait à une «pause humanitaire prolongée» plutôt qu’à un cessez-le-feu et ne mentionnait ni «génocide», ni «crime de guerre», ni «nettoyage ethnique», ni «Biden». «En fin de compte, résume Grey, Sanders offre une liste de propositions similaires en substance aux positions publiques du président Biden et du secrétaire d’État Blinken. Ces propositions n’incluent pas l’arrêt définitif des bombardements israéliens, le retrait immédiat de toutes les forces israéliennes de Gaza ou la destitution du gouvernement Netanyahou ».
Plus la campagne israélienne de massacres et de nettoyage ethnique se poursuit, plus Sanders est démasqué, notamment pour son soutien à «Joe le génocidaire» alors qu’il prétend avoir des divergences avec lui sur la question de Gaza. Un article paru le 1er février dans le New York Magazine fait l’apologie de Sanders sous le titre «La campagne de Bernie pour faire pression: il parle de plus en plus fort du rôle de l’Amérique dans la guerre d’Israël, poussant son propre parti à agir avant qu’il ne soit trop tard ».
Interrogeant Sanders, le journaliste Gabriel Debenedetti note qu’ils ont parlé «moins de 24 heures après que Joe Biden ait eu du mal à terminer un rassemblement en Virginie qui devait être axé sur le droit à l’avortement. Quatorze fois, le président avait été interrompu par des manifestants qui scandaient ‘Joe le génocidaire’ ou exigeaient un cessez-le-feu».
Sanders a répondu en affirmant : «nous faisons de notre mieux pour faire changer d’avis au gouvernement» et, cela «fonctionne, même si les résultats ne sont pas encore visibles». Sanders est maintenant critiqué aux États-Unis, une lettre ouverte «signée par des centaines de ses anciens collaborateurs de campagne» l’exhorte «à introduire une résolution de cessez-le-feu au Sénat et à couper l’aide militaire à Israël».
La résolution de Sanders s’opposant au déblocage de 14 milliards de dollars d’aide à Israël était sa réponse défensive et n’a été soutenue que par 11 sénateurs. «Les gens n’ont jamais remis en question les motivations du gouvernement israélien, et nous leur demandons de le faire pour la première fois», a-t-il déclaré pour se justifier.
En attendant, Sanders continue de défendre Biden, plus récemment en refusant de soutenir un appel de «Notre Revolution» (un groupe de campagne fondé pour soutenir sa propre campagne présidentielle en 2016) appelant les électeurs du Michigan à rejeter Biden lors de la primaire démocrate du 27 février dans l’État en votant «sans engagement».
Sanders a déclaré au HuffPost qu’il soutenait Biden. Sa porte-parole, Anna Bahr, a déclaré: «Bernie soutient la réélection du président et souhaite qu’il obtienne de bons résultats dans les primaires du Michigan et ailleurs».
(Article paru d’abord en anglais le 20 février 2024)