Avec la complicité de Québec solidaire:

La campagne nationaliste et anti-immigrants de la classe politique québécoise se poursuit de plus belle

Devant la colère sociale qui gronde, exemplifiée par la puissante grève des employés du secteur public l’an dernier et les manifestations actuelles dans plusieurs universités canadiennes contre le génocide des Palestiniens perpétré par le régime d’extrême droite israélien avec la pleine complicité de Washington et Ottawa, la classe politique québécoise intensifie sans relâche sa campagne nationaliste et anti-immigrants.

Le parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ) du Premier ministre François Legault, rivalise avec le Parti québécois (PQ) de Paul Saint-Pierre Plamondon pour déterminer qui sera le plus extrême dans leurs dénonciations des immigrants comme la source de tous les problèmes sociaux afin d’en cacher la véritable cause: le capitalisme en faillite.

Une manifestation à Montréal contre la Loi 21 de la CAQ qui brime en particulier les droits des femmes de confession musulmane [Photo: McGill Students Union/Twitter ]

De son côté, Québec solidaire (QS), le parti de la pseudo-gauche au Québec et le troisième parti à l’Assemblée nationale, critique timidement le ton adopté par la CAQ et le PQ, tout en légitimant complètement leurs positions xénophobes. QS est particulièrement complaisant envers le PQ dont il partage la perspective indépendantiste: le programme réactionnaire d’une république capitaliste indépendante du Québec qui serait membre d’institutions impérialistes comme NORAD et l’OTAN.

Par exemple, le 29 mai dernier, le député péquiste Pascal Bérubé a présenté une motion demandant à l’Assemblée nationale d’affirmer que «les débats portant sur les politiques d'immigration et les conditions d'accueil au Québec sont souhaitables et légitimes» et que «plaider pour une réduction des niveaux d'immigration n'est pas une forme d'intolérance». En chambre, QS a bloqué l’adoption de la motion au motif que deux amendements proposés par le parti avaient été refusés par le PQ.

Suite aux critiques du PQ sur Twitter\X, le porte-parole de QS en matière d’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, a réagi en mentant grossièrement sur la xénophobie du PQ et en insistant sur l’appui de son parti aux politiques anti-immigrants: «Qu’on soit très clair, le Parti québécois n’est pas intolérant sur le dossier de l’immigration. Québec solidaire suggère lui-même une réduction de l’immigration temporaire.»

Le porte-parole de QS, Gabriel-Nadeau Dubois, en a remis en mettant de l’avant une supposée distinction entre le discours du PQ et ceux «intolérants» de figures d’extrême-droite comme Donald Trump et Marine Le Pen. En réalité, le chauvinisme ouvertement anti-immigrants de la classe politique québécoise s’inscrit dans un phénomène international et joue le même rôle essentiel de diviser les travailleurs pour faciliter l’assaut anti-ouvrier de l’élite dirigeante.

Partout à travers le monde, en réponse à la crise du système capitaliste et à l’opposition croissante de la classe ouvrière à ses politiques réactionnaires d’austérité et de guerre, la classe dirigeante se tourne de plus en plus vers l’extrême droite, adopte des formes de gouvernement autoritaires et attaque les droits démocratiques des immigrants et de toute la population.

L’agitation xénophobe sert non seulement à transformer les immigrants en boucs émissaires de la crise sociale et à diviser la classe ouvrière. Elle fournit aussi un prétexte pour renforcer les pouvoirs répressifs de l’État.

Ce phénomène n’est pas limité à l’extrême droite comme le Parti républicain de Trump ou le Rassemblement national de Le Pen. Aux États-Unis, le président démocrate Joe Biden vient d’adopter un décret pour abolir, en contravention avec le droit international, le droit d’asile des migrants qui franchissent la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Similairement, c’est toute la classe politique au Québec et partout au Canada qui a lancé une véritable campagne contre les immigrants dans le cadre d’un assaut plus large sur les droits démocratiques.

Au cours des derniers mois, il y a eu un changement prononcé dans le discours des grands médias au Canada anglais et des chefs politiques nationaux visant à dénigrer le système d’immigration du Canada et à imputer la crise du logement et l’écroulement des services publics à des niveaux supposément excessifs d’immigration.

Au Québec, l’élite dirigeante québécoise ne se contente pas de blâmer les immigrants pour la crise du logement et le sous-financement chronique des systèmes publics d’éducation et de santé. Elle les associe au crime et les présente généralement comme une menace pour la «nation» québécoise. Les éléments les plus virulents, comme le Journal de Montréal et le chef du PQ, vont jusqu’à parler de complot du gouvernement fédéral pour «noyer» le Québec francophone dans une mer d’immigrants anglophones ou hostiles aux «valeurs québécoises» – une transposition au Québec de la théorie fasciste du «Grand remplacement».

Marquant une nouvelle escalade, le Premier ministre Legault a déclaré lors d’une entrevue radiophonique le 4 juin dernier qu’il «faut faire un lien» entre «l’explosion du nombre de demandeurs d’asile» et «l’explosion du nombre d’itinérants», ajoutant que l’immigration «met une grosse pression sur nos services de santé mentale, itinérance, aide sociale, éducation, partout».

Le PQ a publié cette image condamnant QS pour avoir refusé sa motion

Quant au PQ, il allie le même discours anti-immigrants à un nationalisme québécois complètement hystérique. Lors du congrès national du PQ en avril dernier, le chef Paul Saint-Pierre Plamondon a affirmé que le gouvernement fédéral «planifie ouvertement et explicitement» le déclin du Québec et qu’il cherchait à écraser les Québécois à défaut de pouvoir les assimiler.

Questionné dans les jours suivants sur le caractère extrême de ses propos, Saint-Pierre Plamondon en a remis, s’appuyant sur les mythes traditionnels du nationalisme québécois pour prétendre à une «continuité» ininterrompue de tentatives du gouvernement fédéral pour assimiler le Québec, des «déportations» et «exécutions» de francophones par le «régime colonial» fédéral jusqu’à la «charge» actuelle.

Malgré ces dénonciations, le PQ, tout comme le gouvernement de la CAQ, appuient entièrement les campagnes contemporaines de l’impérialisme canadien, y compris le soutien indéfectible d’Ottawa au génocide des Palestiniens et sa pleine participation à la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie et leurs préparatifs de guerre contre la Chine.

Plus récemment, le PQ a proposé deux mesures de type maccarthyste pour forcer la population à se rallier à sa campagne nationaliste sous peine d'être dénoncée comme déloyale. Dans un premier temps, il a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à rendre obligatoire la présence d’un drapeau québécois dans toutes les salles de classe du Québec. Le projet de loi permettrait aussi au gouvernement de nommer des «inspecteurs» qui pourraient entrer dans les classes pour vérifier le respect de la loi, ouvrant la voie à un régime de dénonciation et de surveillance digne d’une dictature.

Puis, en réponse à un rapport produit au niveau fédéral, Saint-Pierre Plamondon a laissé entendre que la supposée «ingérence étrangère» était le résultat de la «dérive idéologique» du multiculturalisme prôné par le gouvernement fédéral, qui incitait des personnes résidentes au Canada à être «plus loyales envers des États étrangers qu’envers notre propre société».

Il a ensuite déclaré de façon menaçante que «dans un Québec indépendant on va demander à tous les Québécois d’être loyaux». Il a également répété la propagande utilisée par les gouvernements impérialistes américain, canadien et européens pour justifier les préparatifs d’une troisième Guerre mondiale en affirmant sans aucune preuve que le Québec était menacé par la Russie et par des «postes de police clandestins chinois».

De toute évidence, aucune de ces déclarations n’est assez «intolérante» pour amener QS à dénoncer franchement ce qu'on ne peut appeler autrement que de la xénophobie. C’est que, jouant son rôle de flanc gauche de la politique bourgeoise au Québec, QS se limite à quelques critiques polies des propositions les plus extrêmes pour maintenir sa propre image «de gauche» de plus en plus discréditée.

En tant que représentant de couches privilégiées des classes moyennes, QS ne peut pas et ne veut pas dénoncer les raisons fondamentales – les intérêts de classe – qui sous-tendent le tournant universel de l’élite dirigeante canadienne et québécoise vers un type de chauvinisme historiquement associé à l’extrême-droite.

Malgré ses critiques occasionnelles, lorsque vient le temps de prendre position, QS se range systématiquement du même côté que le reste de la classe politique. Ainsi, à la suite des déclarations de Saint-Pierre Plamondon au congrès national du PQ en avril, faites dans le contexte où le chef du PQ mettait de l’avant l’idée d’un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec d’ici la fin de la décennie en appelant à l’union sacrée sur l’indépendance «par loyauté envers le Québec», Nadeau-Dubois a simplement déploré que le discours basé sur «le ressentiment» et «la peur» du PQ risquait d’éloigner les «jeunes du projet indépendantiste».

Secoué par des conflits internes liés à son tournant vers la droite, QS tente de faire revivre le mythe de l’indépendance du Québec comme un véhicule progressiste pour l’implantation de réformes sociales, alors même que le PQ, qui représente les plus importantes factions souverainistes de la bourgeoisie, baigne dans la réaction et ne se gêne plus pour baser ouvertement son projet indépendantiste sur le chauvinisme anti-immigrants et l’exclusivisme national.

Les travailleurs et les jeunes doivent rejeter le nationalisme québécois et les préjugés anti-immigrants, autant sous la forme extrême prônée par le PQ et le gouvernement Legault que dans le langage hypocritement «poli» mis de l’avant par QS.

Peu importe le ton employé, ces politiques visent ultimement à diviser les travailleurs québécois – entre eux et d’avec leurs frères et sœurs de classe ailleurs au Canada et dans le monde – et à blâmer faussement les immigrants pour les conséquences sociales des politiques d’austérité et de guerre imposées par la classe dirigeante.

La tâche urgente des travailleurs, au Québec comme partout ailleurs dans le monde, est d’aller au-delà des différences superficielles telles que la race, le genre ou la religion, pour s’unir sur la base de leur appartenance commune à la classe ouvrière internationale: la seule force sociale capable de mettre fin au capitalisme pourrissant qui est responsable des attaques croissantes sur la classe ouvrière, le génocide des Palestiniens et la menace croissante d’une troisième guerre mondiale.

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