Elections anticipées: les RN promet des ministres banquiers et menace le droit de grève

Avant le premier tour aujourd’hui des élections du 7 juillet, se sentant proche du pouvoir, le RN ajoute à sa rhétorique populiste mensongère des signes plus francs aux marchés financiers qu’il serait une dictature fascisante au service des banques.

Un membre anonyme de l’entourage de Marine Le Pen a accordé un entretien à FranceInfo et expliqué que le RN porterait des banquiers au pouvoir s’il remportait l’élection. Selon lui, le RN nommerait au ministre de l’Economie «un expert n'appartenant pas au parti d'extrême-droite». Alors que le CAC-40 dévisse depuis plusieurs semaines, FranceInfo a ajouté:

Cette même source ne cite aucun nom, mais plusieurs profils visant à rassurer les marchés financiers et les investisseurs, avec des fonctions passées pouvant apparaître comme gages de respectabilité. Sont ainsi évoqués le profil d'un ancien banquier de premier plan ou encore celui d'un ancien ministre de Bercy.

Les néofascistes menacent aussi le droit de grève, essentiel à la défense des intérêts ouvriers. En 1946 on a inscrit ce droit dans la constitution pour faire croire aux travailleurs qu’ils pourraient défendre leurs droits sans renverser l’État capitaliste qui avait sous-tendu la collaboration avec le nazisme. Le régime de Vichy avait interdit la lutte des classes et, après l’invasion nazie de l’URSS en 1941, rendu l’activité communiste passible de la peine de mort.

Mais l’histoire donne raison à la IVe Internationale qui s’est opposée à la constitution bourgeoise en 1946. L’organisation des élections anticipées par Macron reflète une discussion dans la bourgeoisie de l’opportunité de rompre avec les prétensions démocratiques et d’imposer une dictature.

En mai Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, était allée sur CNews, la chaîne du milliardaire fascisant Vincent Bolloré, pour dénoncer les grèves. Elle a appelé à «durcir les conditions du droit de grève», traité les grèves de «prise en otage» des Français et dit: «A minima il faut interdire le droit de grève au moment des vacances scolaires et des jours fériés dans la fonction publique.»

Les flics de Macron ont arrêté des dizaines de milliers de travailleurs et éborgné ou tué des dizaines de personnes, mais Maréchal a exigé plus de répression: «Je ne comprends pas qu'on ait un gouvernement qui, chaque fois, cède à ce chantage, au lieu de poser le grand sujet qui est celui de la réforme syndicale dans notre pays.» Elle a aussi exigé la ré-écriture du statut de la fonction publique, pour que des travailleurs «de gauche voir d’extrême-gauche» n’y incitent pas des grèves.

Maréchal, auparavant dirigeante du parti Reconquête d’Eric Zemmour, défenseur du régime de Vichy, a quitté Reconquête et a ouvert des pourparlers avec le RN.

Le RN adoucit ses réservations vis-à-vis une guerre avec la Russie. Le premier ministre RN potentiel Jordan Bardella a déjà traité d’«erreur» les relations plus proches que Le Pen avait eues avec le président russe Vladimir Poutine avant la guerre en Ukraine.

Les tentatives de Le Pen à présent de se donner en alternative plus pacifique à Macron sont des mensonges hypocrites. Jeudi, dans une entrevue au Télégramme, elle a laissé entendre qu’un Bardella premier ministre empêcherait une guerre avec la Russie:

Chef des armées, pour le Président, c’est un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse. Jordan n’a pas l’intention de lui chercher querelle, mais il a posé des lignes rouges. Sur l’Ukraine, le Président ne pourra pas envoyer de troupes.

En fait, les législateurs RN n’ont pas ni l’intention ni le pouvoir d’empêcher la guerre. La constitution donne au président le contrôle du commandement militaire et le pouvoir, en vertu de l’Article 16, de régner sans le parlement et le cabinet des ministres. Seule la classe ouvrière, massivement hostile à l’envoi de troupes en Ukraine, peuvent stopper l’escalade contre la Russie.

De nombreux travailleurs en France s’apprêtent à voter RN après avoir observé que sa rhétorique, du moins envers la Russie, est moins belliciste que celle de Macron et ce que les médias appellent la «gauche». Mais ce sont là des illusions fondées sur des mensonges historiques. Le RN n’est un ami ni de la Russie, ni de la paix, ni surtout des travailleurs.

L’impérialisme français approuve la stratégie énoncée par l’OTAN et ses dirigeants, d’infliger une «défaite stratégique» à la Russie pour la découper en des centaines de petits pays, car les banques françaises y trouvent leur compte. Elles espérent qu’une guerre néocoloniale avec la Russie offrirait des opportunités de pillage sans précédent, dépassant même l’occupation illégale de l’Irak en 2003. Ayant fait main basse sur le pétrole et les minerais russes, l’OTAN serait positionnée pour lancer des guerres néocoloniales au Moyen Orient ou contre la Chine.

Le RN est non pas un obstacle mais, comme ses ancêtres au 20e siècle, un serviteur du capital financier dans les guerres néocoloniales à l’extérieur et de classe à l’intérieur.

Les travailleurs ne peuvent pas stopper le danger fasciste par les urnes, mais seulement en se mobilisant en lutte, dans un mouvement international socialiste contre la guerre et le capitalisme. Les arguments opportunistes selon lesquels les travailleurs doivent d’abord accorder leur soutien et leurs votes aux rivaux de Le Pen dans l’establishment capitaliste sont un piège réactionnaire.

Macron, qui déjà en 2018 traitait le dictateur vichyste Pétain de «grand soldat», fait campagne pour l’envoi de troupes en Ukraine qui prépare la guerre totale. Mener cette guerre, rejetée par 88 pour cent de la population d’Europe de l’Ouest et 94 pour cent des Américains, qui veulent une paix négociée en Ukraine, signifie gouverner contre le peuple. C’est pour cela que Macron menace d’invoquer l’Article 16 pour gouverner en dictateur.

Les avertissements les plus sévères s’appliquent aux appareils du Nouveau Front Populaire formé par le PS, le NPA pabliste, les appareils syndicaux et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Cette coalition soutient également la guerre avec la Russie et appelle dans son programme à envoyer des troupes, maquillées en «casques bleus», en Ukraine. Mais un soutien de la guerre impérialiste ne luttera pas contre le danger de dictature en France.

Mélenchon a déjà déclaré, après avoir de justesse raté le deuxième tour des présidentielles de 2022, qu’il accepterait d’être premier ministre sous Macron ou Marine Le Pen. A présent, des dirigeants de LFI tels que François Ruffin insistent qu’il faut créer l’unité nationale pour financer une vaste industrie de guerre contre la Russie. Ruffin a dit au Monde:

Que l’on commence, tout bêtement, par l’industrie de guerre. Que l’Europe retrouve sa souveraineté sur les munitions, les canons, les avions, sur toute la gamme des armes, matériels et savoir-faire, qu’elle ne dépende plus des Américains. Et s’en donne les moyens … Pour un effort de guerre, il faut veiller à l’unité de la nation.

Les populistes procapitalistes qui appellent à l’unité nationale face à la guerre et à la montée de l’extrême-droite sont des réactionnaires. Au 20e siècle, ce profil a emporté un Henri de Man en Belgique ou un Marcel Déat en France dans la collaboration. Au 21e siècle, quels que soient les aléas politico-militaires, Ruffin et nombre des bureaucrates du Nouveau Front Populaire suivront une trajectoire violemment droitière.

Les travailleurs eux vivront des expériences qui rappeleront pourquoi au 20e siècle la classe ouvrière européenne a bâti un mouvement de résistance de masse contre le fascisme. La question décisive est d’alerter la classe ouvrière au danger, de la mobiliser indépendamment des bureaucraties, et d’y construire contre le stalinisme et le Nouveau Front Populaire le mouvement trotskyste et une lutte pour la révolution socialiste.

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