L’appareil CGT et Lutte ouvrière tentent d’étrangler la lutte pour défendre l’emploi à Valeo

Mardi, plusieurs centaines d’ouvriers, de dirigeants syndicaux et de personnalités politiques se sont rassemblées à Paris face aux suppressions d’emplois prévus par l’équipementier automobile Valeo. Plus de 1.100 emplois sont menacés par la fermeture de sites à Lyon, à Paris et à La Suze, sur fond d’une vague de licenciements dans l’automobile à travers l’Europe et le monde. Cette mobilisation intervenait après une manifestation à Bruxelles contre les licenciements à Audi et Volkswagen.

Stopper les licenciements nécessite de mobiliser les travailleurs de l’automobile à l’international contre la restructuration et la militarisation de l’industrie prévue par les gouvernements capitalistes. Mais l’appareil de la CGT et le parti petit-bourgeois Lutte ouvrière (LO) défendent une perspective nationale réactionnaire. Ils veulent «peser» sur le gouvernement d’extrême-droite qu’installe Macron et couper les luttes ouvrières en France de celles dans les autres pays.

Nathalie Arthaud réunion de Reims pour la candidate à l'élection présidentielle 2012 (Source: Wikimedia Commons)

En France, l’année dernière, cette orientation de la CGT et de ses alliés politiques comme LO a étouffé la mobilisation de millions de travailleurs et de jeunes contre la réforme des retraites rejetée par une écrasante majorité des Français. A présent, Macron et l’EU rationnalisent l’industrie pour intensifier l’escalade militaire visant la Russie que rejettent aussi les Français. Pour lutter contre cela, les travailleurs à la base devront s’organiser indépendamment des bureaucraties syndicales, sur une perspective d’opposition socialiste au capitalisme et à la guerre.

Les militants du Parti de l’égalité socialiste (PES) sont intervenus dans la manifestation, distribué des tracts et interviewé les manifestants pour le WSWS. Angélique, déléguée CGT Valeo-Amiens, leur a dit que Valeo sort déjà d’une vague de licenciements qui a éliminé 400 emplois en France et 1.100 à travers l’Europe. A Amiens, a-t-elle rappelé, «89 personnes ont été licenciées, 21 licenciées complètement et les autres reclassées sur un autre service.»

Angélique a souligné sl’opposition et la méfiance d’une large majorité des travailleurs envers le gouvernement Macron-Barnier, qui pousse la restructuration de la filière automobile: «L’Etat n’est pas là pour aider les petites entreprises, ils sont juste là pour essayer de récupérer de l’argent. Pour eux, réellement, c’est juste une histoire d’argent, c’est juste ça.»

«Je ne pense pas qu’on sera aidés avec les personnes qu’on a actuellement à la tête de notre pays,» a-t-elle ajouté. Indiquant les gendarmes armés de mitraillettes qui surveillaient la manifestation, elle a dit: «Là ils nous attendent, vous le voyez. On ne peut pas franchir cette rue-là sans être tabassés.»

A propos des projets de l’UE visant à rationaliser l’industrie, créer une industrie de guerre européenne alors que l’OTAN bombarde des cibles à travers la Russie, Angélique a dit: «Je ne suis pas pour. On va se retrouver trois sites fusionnés, on sait d’avance qu’ils vont enlever un peu de travail sur Limoges et ils vont le mettre chez nous. Donc on va devoir travailler plus.»

Quand le WSWS a soulevé la perspective de l’unification internationale des travailleurs en lutte pour défendre l’emploi et stopper les guerres, elle a répondu: «Nous sommes favorables à une lutte avec nos camarades, même d’autres pays. On est contre ce qui est en train de nous arriver, déjà rien qu’à nous en France. On est en train de nous supprimer des postes, alors bien sûr que ça nous agace. Malheureusement, on se bat, mais comme vous voyez, on est limité.»

Ces limites tiennent non pas à l’absence d’opposition ouvrière, mais au fait que la lutte est encore contrôlée par des bureaucraties qui collaborent avec des gouvernements réactionnaires. Elles prônent l’attentisme et s’accrochent à des accords avec des gouvernements comme celui de Macron-Barnier en France.

Ainsi, interrogé par le WSWS sur la stratégie de la CGT, l’élu CGT Valeo-La Suze Jean-Rodolphe Colliaux a dit que la situation à Valeo est une «grosse débandade» avant d’avouer: «Tout est à l’étude, je ne vais pas dire qu’une décision est prise.»

Colliaux a argumenté que face à la mondialisation et d’organisation internationale de la production par Valeo et les autres société transnationales, il est difficile de trouver une stratégie: «Notre pôle recherche et développement à la Suze a designé un nouveau produit pour les véhicules électriques, ce produit a eu un succès. Mais il va être industrialisé non pas chez nous en France, mais en Chine. C’est lamentable. Que voulez-vous faire contre ça?»

Quand les militants du PES ont répondu que contre cela, il faudrait organiser une lutte commune avec les travailleurs en Chine, eux aussi menacés par des plans sociaux, Colliaux a indiqué son désaccord: «Oui les Chinois sont exploités, mais nous aussi on se fait exploiter. Il faut ramener la production en France, il faut maintenir l’emploi en France.»

La secrétaire nationale de la CGT et ancienne dirigeante de la fédération CGT des cadres, Sophie Binet, a pris la parole pour proposer de s’en remettre au gouvernement Barnier qu’assemble Macron avec le soutien parlementaire du Rassemblement national (RN) néofasciste. Binent s’est plainte que «Ça fait 60, 70 jours qu’on n’a pas de gouvernement en France. Peut-être que nous allons enfin avoir un ministre de l’Industrie!» Elle a ajouté:

«Quand enfin notre nouveau premier ministre s’intéressera aux Françaises et aux Français, aux salariés et aux organisations syndicales, la première chose que je ferai s’ils daignent s’adresser à la CGT, chose qu’ils n’ont pas faite jusqu’à présent …. je demanderai qu’ils organisent des assises de toute la filière automobile pour mettre les constructeurs autour de la table et les forcer à prendre leurs responsabilités».

Binet a vendu des illusions que le gouvernement Macron-Barnier accepterait de défendre l’emploi en reprenant le discours nationaliste de la CGT visant Valeo. «L’État a les moyens de se faire respecter», a-t-elle prétendu. «Même si l’emploi français est marginal, cette entreprise est encore française», a-t-elle poursuivi, accusant Valeo de «sacrifier tous les intérêts industriels essentiels de la France».

Ce discours nationaliste, qui divise la classe ouvrière et les coupe des travailleurs en France de leurs frères et sœurs de classe à l’international, est politiquement réactionnaire. Il a ses racines historiques dans la politique stalinienne de la bureaucratie de la CGT depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. A présent, la direction de la CGT encourage des illusions dans le gouvernement d’extrême-droite de Barnier que Macron tente d’imposer aux Français pour saborder les niveaux de vie et faire la guerre.

Les militants du PES ont interpellé Binet, qui s’éclipsait rapidement après son discours. Binet a interrompu son garde, qui voulait refuser l’entrevue, pour demander si le PES voulait une déclaration de solidarité de la CGT envers la mobilisation des travailleurs belges, que le PES évoquait dans son tract. Le PES a répondu qu’il voulait savoir quel bilan la CGT tire de la lutte contre la réforme des retraites.

Incapable de défendre le bilan des directions syndicales qui ont tout bonnement mis fin à la lutte alors que la réforme était rejetée par une écrasante majorité des Français, Binet a claqué la porte de sa voiture. Son garde du corps a prétendu que ce n’était pas le sujet de la manifestation.

Le PES a aussi interviewé Nathalie Arthaud, dirigeante de LO, présente à la manifestation. Elle a dit au WSWS: «Je suis venue soutenir les ouvriers de Valeo qui sont en grève et qui entament un bras-de-fer difficile avec un patron qui est un rapace, voilà. Aujourd’hui il est important de leur dire qu’ils ne sont pas seuls, que leur emploi est menacé, que leur salaire est menacé, que leur gagne-pain est menacé, que leur travail est menacé.»

Nathalie Arthaud interviewée par le WSWS.

Interogée sur la stratégie que proposait LO, Arthaud a répondu: «Aujourd’hui on n’est pas à la hauteur, il va falloir qu’on se porte au niveau des exigences».

Cette formule ambigüe est en réalité totalement fausse. La stratégie que propose LO, de suivisme vis-à-vis les bureaucraties syndicales qui veulent négocier avec des gouvernements capitalistes illégitimes n’est pas à la hauteur. Mais Arthaud prétend en réalité que c’est la classe ouvrière qui n’est pas à la hauteur, car elle ne soutient pas suffisamment les directions syndicales.

«Ni avec la réforme des retraites, ni avec les gilets jaunes le grand patronat n’a eu peur», a dit Arthaud. Interrogé sur ce que LO voudrait accomplir si LO réussissait à faire peur à la classe capitaliste, Arthaud a répondu: «Quand le patronat prend peur, en général il se radoucit, et c’est là qu’on peut obtenir ce que le grand patronat a refusé de donner jusqu’alors.»

Or, ceci est un mensonge politique. La classe capitaliste française a eu très peur, à la fois pendant la mobilisation des gilets jaunes et celle contre la réforme des retraites. A présent, comme aux périodes pendant le 20e siècle quand elle a beaucoup craint la révolution, elle réagit en tentant d’installer un régime policier d’extrême-droite à même d’étrangler les travailleurs, alors même que le capitalisme plonge dans une nouvelle guerre mondiale.

Interrogée sur comment LO tenterait de faire peur au grand patronat, Arthaud a répondu: «Il faut commencer à s’organiser par la base, j’ai envie de dire.»

Mais elle a subitement mis fin à l’entrevue quand le PES l’a interrogée sur la guerre avec la Russie: «Là, je ne vais pas répondre.» Alors qu’elle partait, les militants du PES lui ont demandé si son appel à mobiliser la base signifiait que LO prône la mobilisation des travailleurs indépendamment des appareils syndicaux. Arthaud a répondu: «Non, les travailleurs, il faut qu’ils s’organisent derrière des militants en qui ils ont confiance.»

En réalité, LO est un parti petit-bourgeois qui calomnie les luttes ouvrières afin de couvrir des bureaucraties syndicales staliniennes indéfendables qui, elles, courent après le gouvernement militariste et austéritaire de Macron-Barnier. Ceci ne peut faire autre chose que produire un désastre pour la défense de l’emploi et de la production dans la filière de l’automobile.

La question décisive pour défendre l’automobile est de construire une lutte internationale unifiée des travailleurs de ce secteur. C’est les travailleurs qui créent les richesses, et ils peuvent mobiliser un large soutien d’autres travailleurs qui rejettent les politiques d’austérité et de guerre imposées par les gouvernements impérialistes. Mais ceci nécessite une lutte sans compromission avec des gouvernements d’extrême-droite, et la construction, indépendamment des bureacraties syndicales, de l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base.

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