Quelques heures seulement après l'annonce des droits de douane du président Donald Trump pour le « jour de la libération », les travailleurs de toute l'Amérique du Nord ont commencé à en subir les conséquences. Stellantis fermera « temporairement » son usine d'assemblage de Windsor au Canada et son usine d'assemblage de Toluca au Mexique. Environ 4500 travailleurs à Windsor seront touchés. L'usine de Toluca emploie quant à elle quelque 2600 personnes.
Aux États-Unis, Stellantis licencie 900 personnes dans les usines qui approvisionnent les usines canadiennes et mexicaines. Les travailleurs des usines d'emboutissage de Warren et de Sterling Heights, dans la banlieue de Détroit, ainsi que de deux usines de transmission et d'une usine de moulage à Kokomo, dans l'Indiana, figurent parmi ceux qui seront touchés par les licenciements aux États-Unis.
Dans un communiqué adressé aux employés de Stellantis, Antonio Filosa, directeur des opérations nord-américaines, a déclaré : « Avec l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs douaniers dans le secteur automobile, il nous faudra faire preuve de résilience et de discipline pour surmonter cette période difficile. » Il a ajouté : « Mais nous nous adapterons rapidement à ces changements de politique et nous protégerons notre entreprise, nous maintiendrons notre avantage concurrentiel et nous continuerons à fournir d'excellents produits à nos clients. »
Le dirigeant de Stellantis a ajouté que l'entreprise évaluait encore l'impact à long terme des droits de douane, mais qu'elle avait décidé de prendre certaines mesures immédiates en fermant les usines de Windsor et de Toluca.
Ces coupes sont le résultat prévisible des perturbations causées par les tarifs douaniers, qui équivalent à une déclaration de guerre économique de l'administration Trump contre le reste du monde.
Malgré les affirmations mensongères du président du syndicat United Auto Workers, Shawn Fain, selon lesquelles les droits de douane permettront de créer davantage d'emplois pour les travailleurs américains, la réalité est que la classe ouvrière en paiera le prix à la fois sous la forme d'une hausse des prix et de licenciements. En outre, toute production « réimplantée » aux États-Unis s'accompagnera de demandes de baisse des salaires et d'autres reculs.
Trump, qui a le soutien des principaux dirigeants syndicaux, dont Fain et le président des Teamsters Sean O'Brien, vise à créer une forteresse nord-américaine en préparation d'une guerre mondiale contre ses rivaux capitalistes mondiaux. Fain a affirmé que Trump – qui fait la chasse aux immigrés, déporte des étudiants parce qu'ils se sont opposés au génocide israélien soutenu par les États-Unis, licencie des milliers de travailleurs fédéraux et érige une dictature fasciste – se bat pour la classe ouvrière en menant une guerre commerciale.
En réponse à l'annonce des licenciements, Fain a publié une déclaration défensive dans laquelle il feint d'être choqué et accuse la direction de Stellantis d'être à l'origine des réductions, tout en ne mentionnant pas du tout les tarifs douaniers. « Stellantis continue de jouer avec la vie des travailleurs », a déclaré Fain. « Comme nous l'avons montré à maintes reprises, l'entreprise a l'argent, la capacité, le produit et la main-d'œuvre nécessaires pour employer des milliers d'autres membres de l'UAW dans le Michigan, l'Indiana et au-delà. Ces licenciements sont un choix tout à fait inutile de la part de l'entreprise. »
Comme on pouvait s'y attendre, le bureaucrate de l'UAW n'a rien dit sur les pertes d'emplois au Canada et au Mexique.
Ces réductions ne sont qu'un avant-goût du massacre de l’emploi qui s'annonce. En réalité, il n'existe pas de voiture « américaine ». Chaque véhicule qui sort de la chaîne de montage représente le travail collectif de travailleurs du monde entier, unis dans une chaîne de production interconnectée à l'échelle mondiale. Les droits de douane perturberont la production et conduiront à un effondrement économique. Si elle n'est pas stoppée par l'intervention de la classe ouvrière, cette voie mène à la guerre commerciale et à la guerre mondiale, comme en témoigne l'expérience des années 1930.

Une équipe de journalistes du Bulletin des travailleurs de l’auto du World Socialist Web Site s'est entretenue jeudi avec des travailleurs de l'usine d'assemblage Stellantis de Windsor. Se référant au soutien de Fain à la guerre commerciale, un travailleur a déclaré : « Cela reflète leur ignorance. L'industrie automobile est trop liée et intégrée. Cela va impacter ses propres membres. Les entreprises multimilliardaires vont exacerber la récession au point que les droits de douane pourraient provoquer une dépression, comme ce fut le cas dans les années 1930. La collaboration transfrontalière des travailleurs fonctionnerait. »
Un autre travailleur a ajouté : « Ce n'est pas une taxe contre nous (le Canada), c'est une taxe contre le peuple américain. Les deux parties en souffriront. Il y a cinq usines aux États-Unis qui vont licencier et quelques-unes au Mexique. Nous sommes si étroitement intégrés et notre industrie est axée sur le profit.
« Je ne blâme pas le peuple américain, c'est complètement hors de son contrôle. Nous travaillons ensemble depuis des décennies. Nous ne pouvons pas être à couteaux tirés. » À la question de savoir si les travailleurs devraient avoir une stratégie mondiale pour lutter contre les entreprises mondiales, il a répondu : « Absolument. C'est ce que les syndicats sont censés faire pour nous. Mais nous, en tant que travailleurs, nous pouvons aller plus loin. »
Un jeune travailleur a déclaré : « Cette guerre commerciale est de la foutaise. Tous les droits de douane doivent être supprimés dès maintenant. J'ai commencé ce travail il y a six ou sept mois et je ne pensais pas être licencié si tôt. »
Un autre travailleur a déclaré : « J'aime mes frères et sœurs américains. Je suis reconnaissant de vivre à côté des États-Unis, mais je ne suis pas d'accord avec les droits de douane qu'ils nous imposent. Je ne les laisserai pas nous diviser et je ferai tout pour lutter contre cela.
« Une guerre commerciale n'est bonne pour personne, y compris pour les États-Unis. C'est une solution à courte vue pour un gros problème. Les travailleurs devraient travailler ensemble, nous ne devrions pas être montés les uns contre les autres. Mon usine est là depuis plus de cent ans. Nous ne prenons aucun emploi aux Américains. Ce n'est pas possible, ce n'est pas vrai. Nous engager dans une guerre commerciale ne fait que nous nuire à tous. Les travailleurs américains, canadiens et mexicains devraient être ensemble. Nos économies sont toutes intégrées les unes aux autres. »
Tout aussi hostile à un mouvement unifié de la classe ouvrière que la bureaucratie de l'UAW, le syndicat canadien de l'automobile a appelé à des représailles tarifaires contre les États-Unis. « Le Canada doit réagir rapidement et stratégiquement pour mettre un terme à la tentative de Trump de voler des emplois et d’attaquer aux industries les unes après les autres », a déclaré la présidente d'Unifor, Lana Payne.
Ces réductions en Amérique du Nord font suite à l'annonce par Stellantis de l'abandon du projet d'usine de batteries et de centre de distribution de pièces détachées à Belvidere, dans l'Illinois, et de la réduction des plans de réouverture de l'usine d'assemblage de Belvidere qui avait été mise à l'arrêt. L'usine devait ouvrir ses portes en 2027 et ne compter que 1500 travailleurs.

La décision de rouvrir l'usine – qui employait 4000 travailleurs dans les années 1980 – était la pièce maîtresse de la prétendue « victoire » de la « grève debout » bidon de Fain en 2023. Après la vague de licenciements collectifs qui a suivi l'accord de capitulation et la décision de Stellantis de suspendre la réouverture de Belvidere, l'UAW a lancé la campagne « Keep the Promise », qui consistait à déposer des griefs et à organiser des votes pour autoriser une grève, que la bureaucratie de l'UAW n'a jamais eu l'intention de déclencher.
Fain a attribué la démission du PDG de Stellantis, Carlos Tavares, en décembre dernier, à sa campagne publicitaire et a ensuite demandé aux travailleurs de faire confiance aux nouveaux dirigeants nord-américains de Stellantis pour « travailler avec le syndicat » afin de rouvrir l'usine de Belvidere et de « sauver » les emplois américains. Dans la perspective de ces nouvelles suppressions d'emplois, l'UAW a collaboré avec Stellantis pour inciter les travailleurs du Michigan et de l'Ohio à accepter des démissions volontaires afin de réduire les effectifs de manière proactive.
Avec l'effondrement de Wall Street et les prévisions croissantes d'une récession économique, les suppressions d'emplois se multiplient aux États-Unis. Selon le cabinet de reclassement Challenger, Gray & Christmas, « les employeurs américains ont annoncé 275 240 suppressions d'emplois en mars, soit une augmentation de 60 % par rapport aux 172 017 suppressions annoncées le mois précédent ». Il s'agit d'une augmentation de 205 % par rapport à mars 2024, qui était le total mensuel le plus élevé cette année-là. Ce total inclut 216 215 licenciements de travailleurs du gouvernement fédéral.
Parmi les autres annonces de suppressions d'emplois, Whirlpool à Amana, dans l'Iowa, licencie 650 travailleurs à compter du 1er juin, invoquant la baisse des ventes. Chevron, pour sa part, supprime 600 emplois à son ancien siège de la baie de San Francisco, en Californie. Graphic Packaging Holding Company prévoit de fermer son site de production à Middletown, OH, ce qui entraînera la suppression de 130 emplois.
(Article paru en anglais le 4 avril 2025)