Descente de police dans plusieurs domiciles au Canada : Six militants pacifistes de World Beyond War font l’objet de poursuites judiciaires pour avoir manifesté contre un salon de l’armement

Vue d’une section des manifestants devant la conférence Best Defence qui s’est tenue à London, en Ontario, le 21 octobre 2025 [Photo: World Beyond War]

La police de London, en Ontario, a mené des rafles coordonnées avant l’aube le 25 novembre contre quatre maisons dans le sud de l’Ontario, visant des membres du groupe anti-guerre et de solidarité avec la Palestine World Beyond War (WBW). Lors de ces descentes, six militants pacifistes ont été inculpés en relation avec une manifestation de plus de 100 personnes contre la conférence Best Defence qui s’est tenue à London fin octobre, un rassemblement de l’industrie de l’armement auquel participaient des fabricants d’armes liés à Israël et des responsables militaires canadiens.

Au cours de cette opération de grande envergure, les policiers ont fait irruption dans les maisons à 6 h du matin, effrayant les enfants, saisissant les appareils électroniques personnels et emmenant les militants à des heures de leur communauté.

Le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste (Canada) condamnent sans équivoque ces perquisitions et ces accusations qui représentent une grave escalade de la répression étatique visant à criminaliser la dissidence anti-guerre et anti-génocide dans un contexte où le gouvernement canadien est profondément impliqué dans les guerres menées par les États-Unis à travers le monde, ainsi que dans le génocide perpétré par Israël à Gaza. Toutes les accusations doivent être immédiatement abandonnées.

Le matin du 21 octobre, WBW et d’autres militants anti-guerre ont bloqué les entrées du centre des congrès RBC Place à London, tentant d’empêcher les marchands d’armes et les responsables militaires d’entrer dans la conférence sur les armes.

L’activité était parrainée par le sous-traitant actif dans l’industrie de la défense israélienne Elbit Systems, de même que Lockheed Martin, General Dynamics, Hensoldt, Saab et Gastops. Toutes ces entreprises sont directement impliquées dans la fourniture de drones, de munitions, de systèmes d’acquisition d’objectifs et de technologies de surveillance utilisés dans l’attaque génocidaire contre la population de Gaza. Il convient de noter que l’entreprise Gastops, basée à Ottawa, est le seul fournisseur des capteurs moteurs essentiels pour les aéronefs F-35 utilisés par Israël pour larguer des bombes de 2 000 livres (907 kg).

Les manifestants dénonçaient ces entreprises approvisionnant un gouvernement impliqué dans des massacres et exigeaient que le gouvernement canadien impose un embargo sur les armes à Israël. C’est pour cela que les organisateurs de la manifestation sont traités comme des criminels.

Un peu plus d’un mois après la manifestation, le 25 novembre, l’unité de lutte contre la criminalité de rue de la police de London, normalement déployée contre le trafic de drogue et le « crime organisé », a exécuté des mandats de perquisition à domicile dans les agglomérations de London, Hamilton, Marmora et Owen Sound.

Les objets saisis révèlent la nature politique de cette opération policière : ordinateurs, ordinateurs portables, disques durs, téléphones, clés USB, radios bidirectionnelles, pancartes de protestation et même une couronne « Free Palestine » (Libérez la Palestine) enlevée de la porte d’un militant. La police a également présenté aux médias la découverte de prétendus « plans indiquant comment causer des dommages matériels » et de « documents décrivant les tactiques de l’unité de maintien de l’ordre public ».

Dans son compte rendu, WBW décrit comment les policiers ont réveillé les familles avant l’aube, envahissant leur petit domicile, harcelant les parents et dérangeant des résidents handicapés, saisissant tous les appareils électroniques qu’ils ont vus. C’étaient là des descentes d’intimidation menées pour faire passer le message que toute opposition à la guerre sera réprimée.

Parmi les personnes arrêtées et inculpées figurent Rachel Small, organisatrice de WBW Canada, David Heap, militant de longue date à London et professeur à l’Université Western Ontario, Patricia Mills, militante de Hamilton, et Diana Thorpe, organisatrice basée à Toronto, que la police qualifie désormais de « personne recherchée ». Au début du mois d’octobre, des accusations ont également été portées contre Nicholas Vincent Amor et Pamela Reano.

Les chefs d’accusation comprennent : Méfait de plus de 5 000 dollars, Complot, Résistance à une arrestation, Déguisement dans un dessein criminel et Entrave à un agent de la paix, l’arsenal répressif standard utilisé quand vient le temps d’intimider les mouvements de protestation.

S’adressant à CBC News au sujet de ces accusations excessives, Heap a déclaré : « Je pense que la réaction de la police est excessive, car elle tente d’intimider les gens pour les dissuader de s’opposer aux industries de guerre [...] de manière plus générale, et cela ne fonctionnera pas. » En réponse aux accusations de la police concernant les dommages matériels, Heap a expliqué : « Je pense que nous devrions réfléchir à la manière dont ces industries de guerre sont utilisées pour tuer des civils dans de nombreuses régions du monde. Les dommages matériels sont insignifiants en comparaison. »

Les déclarations de la police de London sont truffées d’exagérations et d’insinuations à motivation politique. Une poignée de militants auraient endommagé des serrures électroniques ou projeté de la peinture, des actes insignifiants comparés à la violence à l’échelle industrielle des entreprises et des responsables militaires qui sont protégés par la police, des entreprises qui tirent profit de l’armement du régime sioniste en Israël alors qu’il commet un génocide, et des officiers militaires canadiens qui fournissent de l’instruction militaire, des renseignements et du soutien logistique.

Les descentes menées à London s’inscrivent dans un contexte plus large de répression qui se déroule à travers le Canada.

Le coup monté contre les militants pacifistes surnommés les « Peace 11 » à Toronto en 2023 visait des protestataires qui avaient aspergé de peinture rouge lavable la façade d’une librairie Indigo afin de dénoncer le soutien de la PDG Heather Reisman aux FDI (Forces de défense israéliennes). La police avait alors mené en représailles des rafles violentes sans mandat, saisi des appareils électroniques et était même allée jusqu’à menotter des membres des familles des militants, tandis que les médias bourgeois les diffamaient en les qualifiant d’antisémites pour leur opposition au génocide.

L’audace croissante des autorités est soulignée par un autre incident survenu le mois dernier, lorsque Richard Falk, juriste de 95 ans et ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, a été détenu pendant trois heures à l’aéroport Pearson de Toronto. Falk venait participer à un « tribunal populaire » à Ottawa visant à dénoncer la complicité du Canada dans le génocide des Palestiniens perpétré par Israël et soutenu par l’impérialisme.

Au Québec, Yves Engler, écrivain anti-guerre de longue date et candidat à la direction du NPD, a comparu en justice la semaine dernière pour avoir « harcelé » un détective de Montréal spécialisé dans les crimes haineux après avoir été informé qu’il serait arrêté pour avoir critiqué un provocateur sioniste sur les réseaux sociaux. Le crime présumé d’Engler consiste à avoir encouragé ses partisans à participer à une campagne d’envoi de courriels à la police pour demander l’abandon des fausses accusations. Le fait que cela ait dégénéré en poursuites pénales souligne la volonté de la police et des procureurs de criminaliser toute protestation contre la guerre impérialiste.

Le gouvernement libéral fédéral et ses homologues provinciaux, peu importe qu’ils soient libéraux, conservateurs, de la Coalition Avenir Québec ou du NPD, alimentent tous ce climat. Le Premier ministre Mark Carney poursuit le soutien du gouvernement Trudeau au massacre perpétré par Israël à Gaza en fournissant armes, couverture diplomatique et soutien en matière de renseignement. Ce n’est qu’après d’énormes pressions qu’Ottawa a voté, et de façon largement symbolique, en faveur d’un « cessez-le-feu » à l’ONU, tout en affirmant simultanément le « droit » d’Israël à atteindre ses objectifs de guerre.

Le gouvernement libéral ne peut tolérer aucune opposition à la guerre alors qu’il impose une augmentation massive des dépenses militaires sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale. Avec le soutien des néo-démocrates et des syndicats, le gouvernement Carney vient d’adopter un budget prévoyant plus de 80 milliards de dollars en dépenses militaires supplémentaires au cours des cinq prochaines années, afin de permettre à l’impérialisme canadien de s’assurer sa part du butin dans le développement d’une troisième guerre mondiale qui est rapidement en train de s’intensifier.

Pour sa part, le NPD de l’Ontario a persécuté sa députée Sarah Jama et l’a exclue de son caucus pour avoir dénoncé le régime d’apartheid israélien. Cela a alimenté la campagne menée par le gouvernement conservateur de droite de l’Ontario, dirigé par le premier ministre Doug Ford, pour lui interdire de prendre la parole à l’Assemblée législative jusqu’à ce qu’elle se rétracte. Jama s’est ensuite vu refuser le droit de se présenter comme candidate du NPD de l’Ontario aux élections au début de cette année.

C’est dans ces conditions que les forces de police se voient encouragées à traiter les manifestations contre la guerre comme une menace à la sécurité nationale. Les descentes menées contre les membres de WBW s’inscrivent dans la logique belliciste de l’impérialisme canadien, selon laquelle la guerre à l’étranger nécessite la répression à l’intérieur du pays.

Il faut tirer les leçons des deux dernières années de manifestations contre le génocide et la guerre qui ont été organisées au Canada et dans le monde. Malgré l’énorme opposition du public à l’assaut génocidaire mené par Israël contre les Palestiniens à Gaza, et malgré les innombrables appels lancés aux ministres libéraux, aux députés du NPD, aux responsables municipaux et aux organismes internationaux, les massacres et les spoliations se poursuivent sans relâche. Les protestations seules, surtout lorsqu’elles sont subordonnées à des appels moraux lancés aux gouvernements et aux PDG des entreprises qui arment l’État sioniste, ne peuvent mettre fin à la guerre impérialiste et au génocide.

La classe ouvrière a besoin de ses propres organisations de lutte indépendantes. Des comités de base doivent être créés sur les lieux de travail, dans les campus et dans les quartiers afin d’unir les travailleurs contre la guerre, l’austérité et la répression. Ces comités doivent être guidés par un programme socialiste qui liera l’opposition au militarisme à la lutte contre le système capitaliste qui engendre la guerre.

La criminalisation de l’activisme anti-guerre découle des préparatifs de la classe dirigeante en vue d’un conflit mondial contre la Russie et la Chine. La lutte pour défendre les militants de WBW et s’opposer à la guerre et au génocide est indissociable de la lutte pour construire un mouvement politique révolutionnaire international de la classe ouvrière contre la descente du capitalisme dans la barbarie.

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