Au début du mois, le Premier ministre du Québec François Legault a fait de sa visite à la foire industrielle de Hanovre en Allemagne une tournée de promotion pour l’industrie de l’armement québécoise.
Déclarant que le Québec devait «réévaluer [sa] relation commerciale avec les États-Unis» et «diversifier nos marchés et renforcer nos liens avec des partenaires fiables», Legault a spécifiquement mis de l’avant le secteur de la défense.
Il a présenté le réarmement massif que préparent plusieurs pays d’Europe comme une «occasion de redessiner l’économie du Québec». En référence aux investissements de 800 milliards d’euros planifiés, Legault a vanté la «contribution» que le Québec pourrait avoir «dans la défense et le réarmement de l’Europe».
Le voyage de Legault en Allemagne avait pour toile de fond les tarifs douaniers de grande ampleur mis en place par le président américain Donald Trump contre tous les pays – particulièrement la Chine, mais aussi le Canada et l’Europe. De plus, les efforts de Washington pour conclure un «cessez-le-feu» en Ukraine avec la Russie par-dessus la tête et contre les intérêts de ses partenaires de l’OTAN ont provoqué l’ire de ces derniers.
Dans un contexte de renaissance des rivalités entre les puissances impérialistes, la guerre commerciale déclenchée par Trump est l’antichambre d’une guerre militaire mondiale pour la redivision du monde et le contrôle des ressources, des réseaux de production et des marchés.
Tout en cherchant à convaincre Trump de faire marche arrière, les gouvernements européens menés par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne vont investir des centaines de milliards pour intensifier leur offensive contre la Russie et établir une politique militaire agressive indépendante des États-Unis.
En réponse à ces développements, la classe dirigeante québécoise cherche à profiter des retombées économiques de la course au réarmement.
Non content de traiter le militarisme européen comme une occasion en or pour les capitalistes québécois, Legault a aussi profité de l’occasion pour mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il augmente les dépenses militaires du Canada (l’armée est un domaine de compétence que la Constitution canadienne attribue exclusivement au niveau fédéral).
Faisant référence à une possible attaque «dans l’Arctique ou en Europe», Legault a déclaré qu’«on n’a pas le choix quand on voit ce qui se passe dans le monde: au Canada aussi, on va devoir investir».
Dans le cadre de la campagne électorale fédérale qui se déroule en vue du vote du 28 avril prochain, les chefs des partis ont tous promis d’augmenter les dépenses militaires et d’atteindre d’ici quelques années au minimum l’objectif de 2% du PIB fixé par l’OTAN.
Les médias capitalistes et les associations du patronat réclament avec insistance une augmentation encore plus importante à 3% ou même 5% du PIB. Cela signifie que des dizaines de milliards de dollars additionnels devront être consacrés aux dépenses militaires.
Dans un contexte où le Canada produit des déficits annuels en raison des baisses d’impôts pour les riches et des autres mesures favorables aux banques et à la grande entreprise, ces nouvelles dépenses militaires ne pourront être payées que par des coupes drastiques dans les programmes sociaux.
En Allemagne, Legault a également fait campagne pour une exploitation accrue des minéraux critiques qui se trouvent dans le sous-sol québécois. Ces minéraux sont essentiels à l’industrie de l’armement, mais la Chine domine le marché en produisant environ 70% des minéraux critiques utilisés dans le monde.
Alors que les puissances impérialistes se préparent à une guerre contre la Chine, ils cherchent désespérément d’autres sources d’approvisionnement – ce que la bourgeoisie québécoise voit comme une opportunité de développer cette industrie et de s’enrichir.
Afin de s’assurer que cette «occasion en or» se réalise, le gouvernement Legault veut déréglementer le secteur pour attirer les entreprises. «Il va falloir que les délais soient plus courts», a déclaré le Premier ministre. «Donc l’obtention des permis, tout le travail, toute la bureaucratie, il faut en enlever».
Cette déréglementation, qui vise à augmenter les profits, va se faire aux dépens de l’environnement, de la santé et de la sécurité des travailleurs et de la société en général.
Le gouvernement Legault n’a aucunement l’intention de mettre en place les programmes de soutien qui seraient nécessaires aux dizaines de milliers de travailleurs dont les emplois sont menacés par les nouveaux tarifs douaniers. Au contraire, le dernier budget de la CAQ déposé le 25 mars dernier, quelques jours avant le départ de Legault pour l’Allemagne, intensifie l’austérité capitaliste.
Sous le prétexte habituel de faire face au déficit budgétaire, le ministre des Finances, le banquier Eric Girard, a limité l’augmentation des dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux à 3% pour 2025-2026 et à 2% pour 2026-2027. Pour le ministère de l’Éducation, ce sera respectivement 2,2% et 2%. Ces «augmentations» ne couvrent ni l’inflation ni la hausse normale des coûts. Elles constituent en réalité une coupure drastique des sommes allouées à ces ministères qui offrent des services essentiels à la population.
Sans compter que les systèmes publics d’éducation et de santé sont déjà dans un état lamentable après avoir été saignés à blanc dans les dernières décennies par les gouvernements successifs du Parti québécois, du Parti libéral du Québec (PLQ) et de la CAQ. Ils nécessiteraient des investissements massifs, impossibles dans le système capitaliste en crise.
De façon générale, l’augmentation des dépenses des ministères est limitée à 1,7% en moyenne sur cinq ans. Cette augmentation est bien en deçà de l’inflation et nécessitera des coupes encore plus radicales que celles imposées par le gouvernement du PLQ de Philippe Couillard entre 2014 et 2018 dans le cadre d’une des pires vagues d’austérité de l’histoire du Québec.
Pendant ce temps, la CAQ canalise des milliards de dollars de fonds publics additionnels dans les coffres de la grande entreprise.
Le budget a notamment confirmé la création d’un fonds de 1,6 milliard de dollars pour aider les entreprises touchées par les tarifs douaniers. Ce programme s’adresse uniquement à la grande et à la moyenne entreprise puisqu’il faut avoir un chiffre d’affaires annuel d’au moins 3 millions de dollars pour y être admissible. Aucune condition quant au maintien des emplois ou des salaires n’est imposée de sorte que les entreprises pourront empocher l’aide allant jusqu’à 250 millions de dollars et quand même procéder à des mises à pied.
En lien avec les déclarations de Legault sur les minéraux critiques, le budget augmente aussi de façon très substantielle le crédit d’impôt relatif aux ressources qui vise à favoriser le développement minier. Les entreprises pourront désormais déduire 45% des frais d’exploration et de mise en valeur. Autrement dit, le gouvernement du Québec s’engage à payer près de la moitié des coûts de prospection, sans garantie que cela ne débouche sur un projet concret d'exploitation.
L’industrie militaire est déjà hautement subventionnée par les gouvernements du Québec et fédéral. Les exemples donnés par Legault d’entreprises qui pourraient bénéficier de la manne européenne, le fabricant d’avions Bombardier et le chantier naval Davie, doivent leur survie aux milliards de dollars de fonds publics reçus au fil des ans.